LES PRINCIPES DU PROTESTANTISME

Thème : Les grands principes de la grande famille protestante

Par : GUIDEME Gabriel, Pasteur proposant

INTRODUCTION

Les protestants sont des chrétiens qui se reconnaissent dans le credo de l’Église primitive. Credo qui se résume dans la foi en un Dieu Trine : Père, Fils et Saint-Esprit et dans le Christ crucifié, mort et ressuscité. Cette grande famille qu’est le protestantisme est constituée à son tour de plusieurs sous-familles qui sont entre autres : les Réformés, les luthériens, les Anglicans, les Méthodistes, les Pentecôtistes, les Évangéliques. Ces différentes sous-familles qui constituent le protestantisme ont en commun, en dehors de ce qui les unit aux autres confessions chrétiennes, quelques principes qui déterminent leur foi et fondent leur organisation. Ces principes ne sont pas, en effet, des règles fixes ou des lois, mais des affirmations qui traduisent la foi et le mode d’organisation des protestants. Ces principes sont résumés dans les six affirmations suivantes : À Dieu seul la gloire ; la grâce seule, la foi seule, l’écriture seule, la réforme sans cesse et le sacerdoce universel. Tout protestant devrait connaître ces différents principes et les comprendre. Ce sera l’objet de notre propos.

  1. À DIEU SEUL LA GLOIRE OU SOLI DEO GLORIA

Cette première affirmation de la réforme signifie que rien n’est absolu, divin, sacré en dehors de Dieu. Les protestants sont donc vigilants envers tout parti, valeur, idéologie, ou entreprise humaines prétendant revêtir un caractère absolu, intangible ou universel. En proclamant haut   et fort l’absolu de Dieu et son altérité, Calvin établit une distinction radicale entre le divin et l’humain. Cette affirmation est sous-tendue par son interprétation du péché originel. De ce point de vue, depuis Adam, personne n’est juste, personne ne peut faire le bien, personne donc ne peut s’enorgueillir de ses œuvres. Les œuvres n’ont d’ailleurs aucune valeur salvatrice. Dire à Dieu seul la gloire pour les protestants, c’est affirmer que tout part de Dieu, et tout mène à la gloire de Dieu.

 Par cette affirmation, les réformateurs fustigeront ceux qui au lieu d’adorer l’absolu qu’est Dieu, absolutisent une créature pour l’adorer. Les Réformés rejettent toute idolâtrie par cette affirmation. Il s’agit des statues miraculeuses, des fontaines et arbres sacrés, la vénération des reliques, les pèlerinages, l’infaillibilité du pape, la vénération de Marie, des saints, des ancêtres, etc. Et parce qu’il ne pouvait y avoir d’intermédiaire auprès de Dieu que le Fils, ils rejetèrent également le Purgatoire et, bien sûr, les indulgences qui permettaient d’en raccourcir le séjour, ainsi que les prières pour les morts et le culte des saints. Le soli Deo gloria est l’antithèse de l’Église infaillible et de sa hiérarchie qui prétendait détenir le pouvoir des clefs, ou du prêtre, intermédiaire obligatoire entre le fidèle et Dieu, ou du sacrifice de la messe, sans cesse renouvelé, ou des conciles qui prenaient la place de l’Écriture, ou de l’infaillibilité du pape.

         Il est cependant curieux de constater que dans le protestantisme aujourd’hui cette affirmation de l’absolu de Dieu est altérée. De plus en plus les pasteurs se font passer pour des prêtres, l’Église s’érige en maître. Le pèlerinage est réintroduit dans les pratiques protestantes. On peut donc se demander pour quelle fin ? Y a-t-il des prescriptions bibliques qui sous-tendent cette pratique ?

 

  1. LA GRACE SEULE, SOLA GRATIA

Cette affirmation découle d’un long moment d’angoisse, d’anxiété, de peur, d’inquiétude du moine augustin et professeur de Théologie Martin Luther confronté aux indulgences et à la question de la justification par les œuvres. Pour répondre à cette problématique, Martin Luther va s’enfermer dans un monastère pour chercher la paix intérieure, mais sans succès. Car il demeura toujours dans la peur de rencontrer un Dieu juge puisque les œuvres qu’il accomplit révèlent leur insuffisance à le sauver. Il se demandait alors : comment trouver grâce auprès du Dieu justicier, comment l’homme pécheur pouvait-il se tenir debout devant Dieu ? Après un long et douloureux cheminement, il comprit que Dieu offrait sa grâce gratuitement, par amour pour sa création. Il rejeta par conséquent les œuvres et même tout travail sur soi-même, toute préparation spirituelle au don de la grâce. Justifiés par la seule miséricorde divine, les croyants n’avaient plus à faire leur salut, mais à vivre joyeusement pour Dieu et pour leurs prochains.

Par ce principe, les protestants affirment que la valeur d’une personne ne dépend ni de sa qualité, ni de son mérite ni de son statut social, mais de l’amour gratuit de Dieu qui confère à chaque être humain une valeur inestimable. L'Homme n'a donc pas à mériter son salut en essayant de plaire à Dieu. Dieu lui fait grâce, sans condition. Cet amour gratuit de Dieu rend l'Homme apte, à son tour, à aimer ses semblables gratuitement. L’œuvre que l’homme accomplit n’est pas un effort, mais une émanation de l’amour de Dieu reçu gratuitement. Dieu nous a justifié par le pardon de nos péchés en Jésus-Christ c’est-à-dire par sa mort sur la croix. La théologie du sola gratia mit ainsi un terme aux œuvres faites dans le but de s’ouvrir le chemin du ciel, ainsi qu’aux médiations de l’Église (indulgences, pèlerinages, culte des saints, culte marial, prières pour les morts). Le protestantisme d’aujourd’hui maintient le salut par la grâce seule, mais offerte à tous digne et indigne, croyant et incroyant. Reste à saisir cette grâce offerte, cadeau admirable de Dieu. Il faut cependant aussi remarquer que de nos jours, la grâce est présentée dans certains discours protestant comme un mérite, un salaire, une rémunération des efforts consentis, des sacrifices et des œuvres accomplis. Or, la grâce est une faveur imméritée, elle est reçue uniquement par la foi et elle est un don de Dieu.

  1. LA FOI SEULE, SOLA FIDE

La foi naît de la rencontre personnelle avec Dieu. Cette rencontre peut surgir brusquement dans la vie d'un individu. Le plus souvent, elle est l'issue d'un long cheminement parsemé de doutes et d'interrogations. Pour Luther la foi que le chrétien reçoit par le Saint-Esprit, est le lien qui l’unit au Christ, union que l’homme justifié, mais toujours pécheur ne peut réaliser par lui-même. La foi est offerte par Dieu, sans condition. Tout être humain est appelé à la recevoir dans la liberté. Pour Calvin, la foi permet à celui qui l’a reçue non seulement de croire que Dieu et Christ existent, mais encore de croire en Dieu et en Christ. La foi est encore ce qui permet la régénération de l’homme. Éphésiens 1, 5-6. Elle est la réponse humaine à la déclaration d'amour faite à tous par Dieu, dans la parole biblique, en Jésus-Christ. Pour Barth, c’est le oui de l’homme au oui de Dieu. Elle vient de ce qu’on entend de la parole de Dieu, c’est pourquoi Augustin soutient qu’il faut qu’il y ait des personnes disposées et disponibles à l’annoncer. C’est le rôle de l’Église et des croyants.

  1. L’ÉCRITURE SEULE, SOLA SCRIPTURA

Cette affirmation était un cri de ralliement de la Réforme protestante. Par cette affirmation les protestants expriment leur refus de l’autorité supérieure conférée à la tradition par l’Église catholique sur la Bible. Cela a fait naître plusieurs pratiques qui étaient, en fait, contraires à la Bible. Au nombre de celles-ci : la prière aux saints et/ou à Marie, l’Immaculée conception, la transsubstantiation, l’extrême onction, les indulgences, et l’autorité papale.

Cette affirmation signifie que l’Écriture est la seule autorité en matière de foi, de pratique et de doctrine. Pour les protestants l’Écriture seule peut nourrir leur foi ; elle est la référence dernière en matière théologique, éthique, institutionnelle.  Puisque Dieu ne change pas sa pensée et qu’il ne se contredit pas, alors toute tradition, toute pratique, toute doctrine qui ne trouvent pas son fondement dans la Bible ou qui contredit la Parole de Dieu ne sont pas de Dieu et par conséquent n’ont pas lieu d’être observées par le chrétien. Il ne s’agit pas seulement des traditions observées dans l’église chrétienne, mais nos traditions, cultures et coutumes doivent passer au crible de la Parole de Dieu. Ainsi, le protestant doit refuser et rejeter toute tradition ou culture contraire à la volonté de Dieu inscrite dans la Bible. La seule manière de savoir exactement ce que Dieu attend de nous c’est de rester fidèle à ce qui a été révélé par Dieu dans la Bible.

 Il faut préciser que la sola scriptura ne signifie pas un rejet total et absolu des traditions, mais elle est la seule manière d’empêcher que la subjectivité et l’opinion personnelle prennent la priorité sur les enseignements de la Bible. L’essence de la Sola scriptura, c’est de baser votre vie spirituelle uniquement sur la Bible en rejetant toute tradition ou tout enseignement qui n’est pas en total accord avec la Bible. 2 Timothée 2:15.

En effet, les traditions jouent un rôle important dans la clarification de doctrines et l’organisation de la pratique chrétienne. Pour qu’une tradition soit valable, elle ne doit pas être en désaccord avec la Parole de Dieu. De ce fait une remise en question permanente des doctrines et pratiques ecclésiales la lumière des Saintes Écritures s’impose. D’où la réforme sans cesse.

  1. « SE REFORMER SANS CESSE »

Les Églises rassemblent dans une même foi et espérance tous ceux, hommes, femmes et enfants, qui confessent explicitement le Dieu de Jésus-Christ comme celui qui donne sens à leur vie.

Les institutions ecclésiastiques sont des réalités humaines. « Elles peuvent se tromper" disait Luther. En référence à l'Évangile, les Églises doivent sans cesse porter un regard critique et interrogateur sur leur propre fonctionnement. Chacun doit y prendre sa part de responsabilité et être témoin de la fidélité à la parole divine.

  1. « LE SACERDOCE UNIVERSEL »

Ce principe du protestantisme est l’élément novateur de la Réforme et celui qui a le plus révolutionné l’Église et la société. Dès le début de la Réforme Luther, affirme que : « le baptême seul fait le chrétien. Tous nous sommes prêtres, sacrificateurs et rois. Tous nous avons les mêmes droits (…). L’État ecclésiastique ne doit être dans la chrétienté qu’une sainte fonction. Aussi longtemps qu’un prêtre est dans sa charge, il paît l’Église. Le jour où il est démis de ses fonctions, il n’est plus qu’un paysan. » (Manifeste à la nation allemande, 1520) Por Luther et tous les protestants, il n’y a pas de hiérarchie entre la vocation du simple baptisé et celle de la plus haute autorité religieuse. Tous sont à la même distance de Dieu. Le pasteur pour le protestant, n’est pas un intermédiaire entre le fidèle et Dieu, il n’est pas un être «  à part », mais il exerce simplement une fonction particulière.  Le sacerdoce universel va révolutionner la façon dont le chrétien s’implique dans l’Église et dans le monde. Parce que pasteur et laïcs sont égaux et qu’ils sont animés de la même vocation, l’œuvre de témoignage, la direction de l’Église, l’évangélisation leur incombe tous. Pour les protestants, magistrat, boulanger et pasteur sont tous vicaires du Christ. Du coup, le boulanger qui fait du bon pain ne vaut pas moins que le pasteur qui fait le plus beau des sermons. Le principe du sacerdoce universel a dénoncé la tentative des chrétiens de se «  retirer du monde ». Ce principe a poussé les chrétiens à s’engager dans des tâches concrètes avec la laïcisation des vocations. Pour les protestants, il n’y a pas de profession ou de métier moins chrétien que les autres. Pasteur, banquier, soldat, artisan ou paysan sont tous au service des humains à partir du moment où chacun exerce sa profession dans la fidélité à l’évangile. Cette nouvelle perception de la vocation a eu pour conséquence la professionnalisation de la société dont nous sommes aujourd’hui bénéficiaires.

         Il est hautement significatif de noter que le principe du sacerdoce universel ne conduit pas à minimiser le ministère particulier ou la vocation particulière des pasteurs. Pour Luther, « même si nous sommes tous prêtres, nous ne devons pas tous prêcher ou enseigner ou gouverner ; mais on doit en sélectionner un certain nombre parmi la multitude et choisir ceux auxquels on veut confier un tel ministère » (Martin Luther, Œuvres complètes). Ce principe concerne l’implication du chrétien dans la vie de la cité ainsi que son engagement dans l’Église. Ainsi, la Réforme n’abolit pas les ministères, mais elle réorganise l’Église en insistant non pas sur des états différents (entre prêtres et laïcs), mais sur les fonctions différentes que peuvent exercer les membres d’une même Église. Ces fonctions sont souvent provisoires, sans cesse à redéfinir et se résument par ce simple mot de « ministère ".

         Chez Calvin deux ministères sont prédominants : le ministère du docteur et le ministère du pasteur. Le pasteur selon lui est serviteur de la Parole. Sa tâche consiste à aider les fidèles en expliquant et en commentant les textes bibliques. Grâce à sa formation théologique et universitaire, il est reconnu par l’Église (consécration) comme ayant reçu de Dieu une vocation particulière à exercer le ministère pastoral. De même, si la tâche pastorale est bien définie, il n’en demeure pas moins que des laïcs peuvent faire une certaine partie de ce que peut faire le pasteur. C’est le cas de la prédication, le catéchisme, l’accompagnement, la diaconie. Notons de même que si le Pasteur administre les sacrements et il veille à l’unité de l’Église, il n’a pas autorité pour diriger l’Église. Chez les protestants, la direction de l’Église est toujours collégiale (conseil d’anciens, consistoire, synode, etc.) Vous pouvez constater que les différents organes de notre Église, de la base au sommet, sont dirigés par une équipe constituée de pasteurs et d’anciens d’Église.

         Le sacerdoce universel est ce principe qui a participé à l’industrialisation de la société, au développement économique et à la promotion de l’égalité entre les hommes. Les valeurs dont se vantent les sociétés modernes aujourd’hui sont l’héritage de la réforme.

CONCLUSION

Au terme de cet exposé sur les principes du protestantisme, il est important de noter la profondeur et la richesse du travail accompli par les piliers de la Réforme. Ces principes ont participé à rendre les chrétiens réellement libres et responsables. Ils ont aussi contribué à permettre à chaque chrétien de posséder, de lire et de comprendre la Bible. Ils ont permis d’épurer l’Église des traditions humaines parfois avilissantes et contraire à la volonté de Dieu. Le sacerdoce universel à ré-intronisé Jésus comme Chef de l’Église et la Bible comme autorité en matière de doctrine et de pratique. L’altérité de Dieu est reconnue et l’incapacité de l’homme à se sauver par ses œuvres attestées a participé à reconnaître l’immensité de la grâce de Dieu que l’homme accueille par la foi seule. De ce fait, la gloire appartient à Dieu seul.

 

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