IL Y A DE LA PLACE

CULTE D’ACTION DE GRACE EN MÉMOIRE D'UNE MERE

 

Prédication

Texte : Luc 14 : 15-24

C’est une grâce pour un fils de célébrer la vie de sa mère. Ce culte d’action de grâce vaut doublement son pesant d’or. Il est important pour nous de ne pas oublier la mémoire de ceux qui nous ont précédés et particulièrement de nos parents. Ce culte d’action de grâce en mémoire d’un défunt ne doit pas être un simple snobisme, une simple formalité, mais un moment de commémoration, de remémoration, non seulement de l’héritage de celle que nous célébrons, mais surtout l’héritage de la famille toute entière, du clan, voire de la nation. L’ignorance et parfois le refus de revisiter notre histoire en toute sincérité et dans toute sa rigueur est à l’origine de la décadence de plusieurs familles voire de plusieurs peuples. Vous ne me direz pas que nous serions à ce niveau de développement et à ce niveau de décrépitude morale, si on n’enseignait pas aux africains l’histoire de Napoléon tout en faisant croire aux africains qu’ils ne sont pas entrés dans l’histoire ou qu’ils n’ont pas d’histoire. Le second sujet d’action de grâce ou bien ce qui justifie cette action de grâce est, comme je l’ai dit tantôt, que c’est un fils qui célèbre sa mère et non le contraire. Cela semble être et va peut être l’être davantage plus rare dans notre monde actuel où des mères, des pères enterrent presque tous les jours des jeunes enfants morts brutalement et violemment dans des circonstances très douloureuses et parfois évitables. A quelques jours de la journée internationale de la femme on peut bien s’imaginer dans quel état d’esprit des femmes qui ont perdu mari et enfants dans ce contexte délétère vont-elles la célébrer. Au moment où un fils pleure sa mère, je vous invite à avoir une pensée pour toutes ces mamans qui pleurent leurs enfants.

« Venez, car tout est déjà prêt » telle est l’invitation adressée par le serviteur du Maître à ses convives. C’est une invitation que Dieu nous adresse et adresse à l’humanité toute entière en ce siècle d’individualisme et d’institutionnalisation de l’égoïsme. « Venez car tout est prêt » est une invitation généreuse que Jésus nous adresse lui qui a tout accompli pour le salut du monde. « Venez car tout est prêt », est aussi une interpellation à l’Église, aux associations chrétiennes, aux mouvements chrétiens et à tout chrétien et chrétienne à être hospitalier et ouvert vers les autres et particulièrement vers les pauvres, les misérables, celles et ceux qui sont au ban de la société. « Venez car tout est prêt », est une invitation à nous mettre autour de la table pour partager nos peines, nos douleurs, nos joies, nos succès, et aussi pour gérer nos incompréhensions et nos différends. Ce n’est pas anodin que c’est autour de la table que les grandes négociations se font dans le monde. « Venez, car tout est prêt » est donc une invitation au dialogue, à la réconciliation dans les familles déchirées, les sociétés divisées et les communautés en conflit. Oui, tout est prêt car Dieu a tout disposé pour que notre rencontre autour de la table qu’il a dressée soit un succès, une source de bonheur éternelle.

L’interrogation que suscite la lecture de ce texte est : quelle est la place qu’occupent les pauvres, les malades, les laissé pour compte, les enfants de la rue, les réfugiés, les exilés, les hommes et femmes de mauvaise vie dans nos communautés chrétiennes, dans nos maisons, dans nos familles, dans notre société, dans nos prières ? C’est ça l’enjeu de ce texte fort interpellateur.

L’invitation de Dieu est adressée à tous les hommes et femmes, de tous les temps, de toute société sans distinction de race, de tribu, de rang social. Autour de la table du Seigneur, il n’y a ni noir, ni blanc, ni riche ni pauvre, ni esclave ni libre.

Notre texte vient après les instructions que Jésus donne aux invités à un festin à propos de la libéralité, de la générosité. Il instruit les convives et nous aujourd’hui à faire du bien à ceux qui ne sont pas à mesure de nous le rendre. Car Dieu nous le rendra à la résurrection des morts. Autrement dit, toute libéralité, toute bienfaisance, toute générosité que nous faisons doit être faite pour Dieu et pour Dieu seul, et non pour que les hommes nous glorifient. L’évocation de la récompense des justes a suscité l’exclamation qui a à son tour suscité la parabole qui fait l’objet de notre message en ce jour. « Heureux celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu ». Qui prendra donc son repas dans le royaume de Dieu ? Qui est éligible ?  Il apparait clairement ici, que Jésus veut nous dire et à ses premiers auditeurs que c’est par notre façon d’agir envers les autres que Dieu nous jugera. De ce fait, la parabole de notre texte est une suite logique qui explique non seulement la grandeur de l’amour et de la miséricorde de Dieu, mais aussi comment nous devrons à notre tour exercer cet amour et cette miséricorde envers les autres.

Ce message est bouleversant voire scandaleux pour les hommes et femmes de notre siècle très matérialistes, capitalistes, communautaristes et surtout pour certaines tendances religieuses qui font de l’exclusion des autres un critère de leur élection. Pour être plus claire, dans notre société actuelle, rien n’est pour rien. On ne donne qu’à celui qui peut nous donner. On n’aime que celui qui nous aime. On n’invite que celui qui peut nous inviter. On va au deuil de celui qui vient à notre deuil. Ne s’assemblent que ceux qui se ressemblent sur la base de leur ethnie, de leur tendance religieuse, de leur chapelle politique ou de leur obédience religieuse. Ceci généralement pour s’opposer aux autres et non pour être plus proche afin de s’ouvrir aux autres. Nous savons que dans la même église voire dans un même groupe certains s’appellent « frères » ou « sœurs » par contre ils refusent ce titre à d’autres qu’ils estiment moins spirituels ou non spirituels. On a honte et même mal de voir et d’entendre ce qui se dit, se fait et se crée entre les chrétiens dans les églises et entre des églises, n’en parlons plus de ce qui se fait dans la société en générale. La parole de Dieu nous dit aujourd’hui que Dieu accueille tous les hommes et femmes dans son royaume. Dieu n’exclut personne, mais il n’oblige personne non plus.

Oui, Dieu n’oblige personne. A travers l’exemple des premiers invités privilégiés du maître dans notre parabole cette évidence est attestée. Tous d’une seule bouche ont refusé de prendre part au festin auquel ils avaient au préalable donné leur avis favorable. O qu’il est souvent facile de voir dans notre monde des gens s’unir pour prendre de mauvaises décision que pour accomplir ce qui est bien. Il me semble très judicieux de faire remarquer que dans cette société l’invitation à un festin se faisait en deux temps. L’organisateur du festin adresse une première invitation à ses convives, puis il revient le jour j ou un jour avant pour se rassurer de ceux qui seront réellement présents. C’est ce qui explique l’envoie du serviteur vers les convives avant l’ouverture du banquet. Ces derniers qui avaient rassuré leur invité de leur présence au départ trouvent des excuses pour s’absenter. On voit que le maître ne se plaint pas de leur refus, mais il en souffre, il se met en colère comme vous et moi aurions pu ressentir si les mêmes choses nous arrivaient. Les excuses de ces personnes sont légitimes (affection familiale, affaires économiques, occupations professionnelles), mais sont elles incompatibles avec leur communion avec Dieu ? Cela nous interpelle en tant que chrétien aujourd’hui su la valeur de l’amour, de la communion avec les autres, sur la valeur de la paix. Mesurons-nous la valeur de ces vertus ? Mesurons-nous la valeur d’être ensemble avec des frères et sœurs ? Si nous savons vraiment ce que vaut l’amour d’un frère, d’une sœur, d’un père, d’une mère, la valeur de la paix, de la communion fraternelle, pouvons-nous trouver des excuses pour justifier notre absence autour d’une table de dialogue et de réconciliation ? Remarquez bien les excuses de ces invités. J’ai acheté un champ, je viens d’acheter 5 paires de bœufs, je viens de me marier. Tout est centré sur « je ». C’est l’égoïsme, l’égocentrisme, le narcissisme, le culte de leur propre personne. Aucun d’eux ne s’excuse pour une cause commune et publique. Dieu ne s’adresse-t-il pas à nous qui ressemblons à ces invités de prestiges qui fuient de se retrouver autour de la table avec les autres membres de la famille, de l’Église ou de notre nation pour partager nos joies et nos peines, et surtout pour trouver des solutions à nos différends et incompréhensions ? Ce qui est curieux dans ce texte, ce sont les personnes les plus attendues qui s’absentent au banquet. Qu’il n’en soit pas ainsi dans nos familles, dans les églises et même dans notre pays.

 Plusieurs d’entre nous risqueront manquer à l’invitation de notre Seigneur en s’attachant plus à leurs affaires qu’à l’amour de Dieu pour nous et à l’amour pour les autres. Ce refus de prendre part au repas du maître peut aussi être notre cas, nous qui avons par notre baptême répondu oui, mais par nos actes nous excluons de la table du Seigneur en méprisant les autres, en manquant d’amour pour les pauvres et les faibles, en ne donnant aucune place dans nos cœurs, nos prières, nos maisons et nos églises aux réfugiés, aux déplacés, aux malades, aux étrangers, aux misérables et sans abri..

Aujourd’hui le Seigneur nous invite à faire comme lui dans nos familles et  dans nos communautés, à laisser ouvertes les portes de nos cœurs, de nos maisons, de nos communautés pour accueillir les autres et particulièrement ceux que le monde exclu : les malades, les handicapés, les veuves et les orphelins, les enfants de la rue, les pécheurs. Chers sœurs et frères en Christ, quelle place occupe dans nos prières les réfugiés et déplacés des conflits que vit notre pays ? Quelle place donnons-nous dans nos familles et quartier aux déplacés des régions anglophones ? Les considérons-nous aussi comme des envahisseurs ? Sommes-nous prêt à travailler ensemble, à manger dans un même plat avec les personnes de tribus, d’obédience politique, de religion, d’idéologie différente de la nôtre ? Jésus nous envoie dans les rues, le long des haies les contraindre (ce n’est pas les forcer, mais les convaincre) à venir dans la maison de Dieu, à partager son amour et à entrer dans son salut. Dans la rue, il y a les bandits, les enfants délinquants, les prostituées, les homosexuels, les sans abri, mais aussi les mécontents. Nous devrons allers dans les rues mes frères et sœurs tendre la main à ceux qui s’y trouvent et non les mépriser ou les écraser. Allons dans les rues leur dire que Dieu les aime et montrons leur l’amour de Dieu par nos actes, nos paroles et nos vies. C’est dans les rues que Dieu nous envoie pour inviter ceux qui s’y trouvent afin de partager autour de la table de l’amour, de la paix, du pardon ce que Dieu nous a préparé. Dieu ne nous dit pas de les attendre sur place dans nos maisons, il ne nous dit non plus d’attendre que ceux qui sont dans la rue changent avant d’aller vers eux. Non, notre mission est d’aller les trouver dans les rues telles qu’ils sont et les convaincre de venir au banquet royal. Seul l’amour et le pardon peuvent convaincre ceux qui se sentent exclus et marginalisés à nous suivre. L’arrogance ou la force, même des armes ne pourront les contraindre Je suis surpris que Jésus ne nous demande pas d’aller dans les prisons pourtant, ailleurs il nous invite à visiter les prisonniers. En effet, si les délinquants qui sont dans les rues rencontrent l’amour et le pardon, ils vont changer et les prisons seront vides. Je crois et je confesse que si nous nous étions approchés de ceux qui sont sortis dans les rues avec amour, les différentes crises que nous vivons  dans notre monde n’auraient jamais atteint ce niveau.

 Aux Églises et chrétiens Dieu nous parle. Prions-nous pour les exclus de la société? Nous leur avons-nous présenté l’Évangile ? Sommes-nous prêts à les accueillir chez nous et dans nos églises ? Quel regard portons-nous sur les prostituées, les homosexuels ? Un regard d’amour ou de mépris et de stigmatisation ? Pourtant, Dieu les aime et nous envoie vers eux pour les inviter à sa table, car il y a encore de la place. En refusant de leur ouvrir les portes de nos cœurs, de nos maisons, de nos assemblées ; en refusant de les convaincre à accepter la bonne nouvelle du Christ, nous nous excluons nous-mêmes du banquet royal.

Notre présence ici doit être le point de départ d’une action ouverte sur le monde et sur tous les hommes. Au terme de cette célébration nous devrons donner un nouveau souffle à notre diaconie, à notre évangélisation et à notre forme d’hospitalité. Au lieu de construire des somptueux temples alors que des enseignants n’ont pas de salaire, nos écoles n’ont pas de table bancs, des fidèles sont malades sans soin, construisons l’avenir de nos enfants, investissons dans la santé, investissons dans les infrastructures qui peuvent sortir les misérables de leur misère. Allons promptement, maintenant dire à tous les hommes et femmes que la porte du royaume de Dieu est ouverte pour les accueillir. Toi qui croient que tu n’es plus éligible pour le royaume de Dieu, Jésus te dis aujourd’hui, il y a encore de la place pour toi. Viens à lui seulement. A nous les chrétiens donnons à tous les hommes et femmes sans aucune discrimination de voir l’amour de Dieu à travers nos vies, nos actions et nos investissements. En le faisant nous seront de celles et ceux qui prendront leur repas dans le royaume de Dieu.

Amen !

Par Gabriel GUIDEME, Pasteur proposant

 

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