Shalom

Textes Jean 20, 19-31

«Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu». Ce verset constitue le centre d’intérêt du message de ce jour et la raison d’être de la chrétienté post-pascale et actuelle. Il relève la difficulté à croire, la complexité et le mystère de la foi ainsi que ses implications pratiques dans la vie des croyants. Pour saisir la profondeur de ce texte,  il convient de le situer dans son contexte historique et rédactionnel.

 Quand  Jean écrit son évangile, ça fait déjà plus de 60 ans que Jésus est mort et ressuscité, la majorité voire presque tous les témoins oculaires de la résurrection étaient morts. Jean est presque le seul rescapé et survivant des persécutions.  Ça fait aussi 60 ans que les chrétiens se réunissent chaque dimanche pour fêter la présence du Christ parmi eux. Et cette rencontre du « premier jour de la semaine » apporte, dimanche après dimanche, la joie, la paix et le don de l’Esprit Saint. La joie et la paix que procure la célébration de la présence du Christ n’était pas exempte de crainte, de peur, de souffrance et de douleurs. Car, le corpus Johannique rédigé à l’île de Patmos pendant son refuge était destiné aux chrétiens soumis à la persécution et en proie aux hérésies qui défigurent et tordent l’Evangile de Jésus-Christ. Dans ce contexte de crainte et de peur, de doute et de scepticisme, motivé par les fausses doctrines et la persécution des chrétiens, Jean veut par son évangile amener chaque lecteur et auditeur de tous les temps à la foi en Jésus, le Messie et par cette foi, les amener à la vie par le nom de Jésus. Dans cette perspective, il nous présente ce que la présence du ressuscité nous apporte chaque jour. Ecoutez attentivement.

         Rien ne peut empêcher au Christ ressuscité d’apporter au monde la paix et la joie. Ni la peur, les barrières et les murs qu’on se dresse les uns des autres, ni la méfiance et la méchanceté, ni le tribalisme et le régionalisme, ni même les luttes de leadership dans les églises ne peuvent empêcher au Christ de se rendre présent et de nous apporter sa paix et sa joie. Comme les disciples craintifs et enfermés sur eux-mêmes, sans espoir parce que le maître sur lequel ils comptaient est mort, mais heureusement réunis pour partager leur crainte et leur peur ; toi mon frère et ma sœur qui te sent seul, abandonné, toi qui a perdu tout espoir et qui pense que c’est fini pour toi, toi qui pense que la vie est pour les autres et à toi est réservé le désespoir et la détresse et tu t’enferme dans ta solitude, ce matin la Bonne nouvelle pour toi c’est que le ressuscité viendra t’apporter sa paix et sa joie au moment et à l’endroit où tu t’attends le moins. Aucune circonstance extérieure, ni le manque de sérénité intérieure ne peuvent l’empêcher de te donner sa joie et sa paix.  Autrement dit, ni la méchanceté des hommes, ni tes peurs encore moins ton doute ne peuvent empêcher Jésus de t’apporter sa joie et sa paix.    

         Oui la joie, la paix du Christ est extraordinaire mais, elle ne sort pas de l’ordinaire. La paix que Christ donne à ses disciples craintifs et apeurés, dévastés et désespérés vient de Dieu, mais s’inscrit dans leur quotidien. Jésus utilise la formule de salutation ordinaire et quotidienne employée par les juifs, mais avec une signification et une portée qui transcende l’ordinaire pour s’enraciner dans l’intimité de Dieu et la profondeur de l’humain. Shalom, « Paix à vous ». C’est l’équivalent de notre bonjour, mais avec une signification différente. Dans nos habitudes nous souhaitons à ceux que nous rencontrons un bonjour. Nous ne pouvons que nous limiter à ce souhait parfois sincère et quelque fois hypocrite. Beaucoup souhaitent aux autres un bonjour, mais malheureusement ils sont les premiers à pourrir la journée de ceux-ci par leur mensonge, leur haine, leur jalousie, leur manipulations méchantes et parfois pour vous donner du poison. Même ceux qui le font sincèrement ne peuvent rien faire pour empêcher à ceux à qui ils souhaite un bonjour d’avoir un mauvais jour. Pourtant, le shalom de Jésus est plus qu’un souhait de paix. C’est un don de paix. Bien plus, la paix que traduit shalom  a une signification plus profonde que le mot paix en français dont l’étymologie latine pal renvoie à pieu (poteau). La paix est donc, selon la conception française, l’absence de chicane, des différends, dans la mesure où chacun respecte les frontières délimitées par les pieux. En d’autres termes la paix, c’est rester dans son camp, son coin, ne pas se frotter aux autres. Les disciples enfermés dans leur lieu de cachette sont en paix dans ce sens. Ce qui n’est pas vrai malheureusement. Car Jésus vient leur offrir la vraie paix. Cette paix, c’est la concorde et la cohésion dans l’harmonie, l’achèvement et la plénitude. Elle n’est pas un simple souhait encore moins un acquis comme on a l’habitude de le scander, mais un don. Jésus par sa présence nous donne la paix ; il favorise en nous et entre nous l’harmonie, la confiance et la justice. En soufflant sur ses disciples le Saint-Esprit, il leur communique le pouvoir et le devoir de procurer cette paix dans leur milieu de vie. Par le Saint-Esprit nous pouvons aussi donner la paix et être capable de pardonner. Ce qui arrache le plus la paix dans le monde et en les hommes, c’est l’absence de pardon. N’avons-nous pas retenu des personnes dans nos cœurs ? Notre paix et notre joie ne sont-elles pas altérées par l’absence de pardon ? Pardonner, c’est donner la paix. Pour les disciples de Jésus-Christ que nous sommes, la paix n’est pas un discours, c’est un acte, un don, un engagement. Jésus ne fait pas de nous des mendiants de la paix. Loin de là ! Nous devrons par nos actes, nos paroles, nos pensées procurer la paix aux autres et à nous-mêmes. Nous sommes donc des artisans de la paix. C’est le signe que nous avons reçu le souffle de Dieu. Parlez en langues, faites des miracles, guérissez des malades, si votre présence et vos actions n’apportent pas la paix ce que vous agissez peut-être avec un autre Esprit que celui de Christ.

         L’épisode de l’absence et de la présence de Thomas pendant les apparitions du Messie certifie la résurrection du Christ et donne de la valeur à la foi de ceux qui croient sans avoir vu. Oui, nous sommes heureux nous qui croyons en Christ sans l’avoir vu. Le témoignage des témoins oculaires que nous donnent les évangiles suffi. La foi n’est pas fondée sur le toucher ni sur la vue, mais c’est un don de Dieu reçu avec confiance. Le toucher et la vue représente les organes de sens. Le sensationnalisme a pris le dessus sur l’expérience de la grâce de Dieu et la foi. Le bruit fait pendant une prière semble plus important que ce qu’on dit. Le geste qu’on adopte en chantant devient plus important que les paroles du chant. On chante : «  que c’est chocolat sans avoir honte ni peur de blasphémer.. ». Nous chantons aussi : « maintenant je me vante avec Jésus » et nous sommes les adorateurs des marabouts. Quelle contradiction ! Les larmes qu’on fait couler, le visage qu’on froisse, la sueur qu’on coule sont pour certains plus importantes que ce qu’on fait. On juge désormais la foi des chrétiens à ces gestes et ceux qui sont ternes, calmes sont des personnes sans foi.

« Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu » nous dit Jésus. La foi est un don de Dieu ; elle nous fait saisir le mystère de Dieu et nous fait comprendre ce que nos sens et nos intelligences ne peuvent comprendre. Thomas a vu un homme et il a cru voir Dieu. La foi voit dans le naturel, l’ordinaire et le quotidien les signes de la présence et de la gloire de Dieu. Ceux qui croient en Jésus ou ceux qui veulent croire en lui n’ont pas besoin de miracles, de guérison et des signes extraordinaires (les magiciens le font aussi), mais contempler dans le quotidien et l’ordinaire la présence de Dieu et sa puissance. Voilà ce que signifie pour nous croire sans voir. Notre foi n’est pas fondée sur des preuves matérielles, mais sur la relation intime que nous avons en Jésus. Croire sans voir, c’est être capable de reconnaître dans ma vie ordinaire les signes extraordinaires de la grâce de Dieu. C’est ordinaire de dormir n’est-ce pas ? C’est quand nous perdons le sommeil que nous reconnaissons que c’est la grâce de Dieu.

         Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu. Jésus fait de notre faiblesse une source de bonheur. Nos peurs, nos craintes, nos bonjours, nos salutations et notre communion fraternelle sont des lieux et des cadres où Jésus se manifeste aujourd’hui à notre monde. Jésus nous investit de son Esprit Saint afin que nous puissions aimer de son amour, pardonner sans compter, procurer la joie et la paix sans barrière et sans frontière. Telle est la mission que nous confie le Christ ressuscité et telle est la manifestation de notre foi en Jésus. Amen !

Par GUIDEME Gabriel, Pasteur proposant

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