SI LE GRAIN NE MEURT

Baf_Plateau 18 mars 2018

Prédication

Texte : Jean 12 : 20-33

« Nous  voudrions voir Jésus », telle est la requête faite par les Grecs montés à Jérusalem pour célébrer la Pâque juive.  Les Grecs venus à Jérusalem veulent voir Jésus, le toucher, faire des photos ou selfies avec lui comme on le ferait avec des stars, les personnalités publiques aujourd’hui. Avaient-ils compris qui était Jésus ? On peut s’en douter, car la personnalité de Jésus était mal connue de ses contemporains. À l’entrée de la ville de Jérusalem, ville de David, il est accueilli en pompe par une foule bruyante et enthousiaste qui jetait sur son passage des palmes et leurs vêtements. Il est accueilli comme un roi, le libérateur, le sauveur, non dans le sens que nous comprenons aujourd’hui, mais dans un sens purement politique. Pour les autres, Jésus était Élie revenu à la vie, il est donc cet Élie qui a révélé la puissance de Dieu en éliminant les prophètes de Baal. Peut-être c’est ce Jésus que les Grecs veulent voir et ils le désirent avec insistance. Comme plusieurs de nos jours aussi désirent connaître et rencontrer Jésus, ce Jésus qui guérit, qui élimine par le feu nos ennemis, qui change notre situation économique par un coup de baguette magique ; ce Jésus qui nous élève pour dominer, influencer, marcher sur l’ennemi. Ils n’aiment pas un Jésus souffrant, crucifié, mort à la croix.

 Hélas ! Les Grecs comme plusieurs des disciples de Jésus se sont certainement trompés de Jésus et leur demande trouve une autre réponse, celle qu’ils attendaient le moins ou qu’ils n’attendaient même pas. Désirer voir Jésus ne signifie pas l’apercevoir à distance, mais le rencontrer, parler avec lui et peut-être l’écouter. Étant donné que cette demande vient des Grecs bien que prosélytes, on ne peut ne pas percevoir dans leur demande le désire d’écouter Jésus, d’entendre ses enseignements pour avoir la sagesse, de nouvelles connaissances de nouvelles doctrines, une nouvelle philosophie comme ils en ont l’habitude à l’aréopage afin qu’à leur retour ils puissent être influent, ils dominent, ils soient glorifiés. Étaient-ils prêts à lui obéir ? Aujourd’hui encore, il y a des personnes qui lisent les Évangiles juste pour la sagesse qu’ils contiennent et non pour croire à leurs enseignements et trouver le chemin de la vie.

En réponse à la demande de ces Grecs qui désirent ardemment le voir et pour ôter de leur esprit toute confusion dont on faisait toujours de sa personne, Jésus les invite à retenir la leçon que nous donne la nature à travers la mort du grain pour faire naître la vie et porter du fruit. C’est à travers cette image de la mort du grain passage oblige pour produire des fruits que les Grecs et les disciples autour de lui doivent comprendre le sens de la gloire, de l’élévation qui sont évoqués longuement dans ce discours de Jésus. Cette réponse de Jésus (lui qui sonde nos cœurs et connaît nos pensées) montre que les Grecs et ses disciples qui cherchent à le voir et qui le suivent sont à la quête de la gloire, de l’élévation selon la conception du monde. Plusieurs fois les disciples ont eu entre eux des mésententes, des conflits suite à la demande de certains d’entre eux de vouloir être élevés au-dessus des autres. Hum ! Ça nous parle il me semble !

L’image du grain qui meurt est hautement parlante et instructive. Dans un monde où tout le monde depuis Adam dépense toute leur énergie à essayer de s’élever, de dominer l’autre, d’influencer, Jésus nous redit sans cesse que celui qui s’abaissera sera élevé. C’est ici le sens du grain qui meurt. Jésus par sa vie et sa mort nous en donne un exemple patent et nous invite à l’imiter. Il a renoncé à sa nature divine, il s’est abaissé jusqu’à la mort, il s’est humilié en acceptant la condition du serviteur. C’est par ce chemin de dépouillement, d’humiliation, du renoncement de soi, de la mort humiliante de la croix que Jésus a ouvert le chemin de la vie à l’humanité tout entière.  Jésus nous appelle à l’imiter : nous vider de tout ce qui nous a façonnés jusqu’à aujourd’hui, nous libérer de cette gangue, de ce vernis qui nous formate du même moule que nos contemporains, de sorte que nous sommes de moins en moins « dans le monde » et de plus en plus « du monde », ce monde où règnent le moi d’abord, le rapport de forces, l’esprit de domination et l’affirmation de soi. Les événements post Ngaoundéré et beaucoup d’autres dans nos paroisses, nos familles attestent que nous sommes plus du monde que dans le monde. Nous dépensons plus d’énergie à montrer de quoi nous sommes capables qu’à mourir, nous voulons tout gagner le monde et sa gloire même s’il faut se prosterner devant le Diable, qu’à accepter l’humiliation, signe de notre mort et de notre totale dépendance à Christ. Jésus pour nous sauver a accepté l’injustice. Il nous dit que nous sommes heureux si nous souffrons injustement à cause de lui. Avons-nous compris cela ? Voulons-nous vraiment ressembler à Jésus en voulant toujours montrer que nous avons raison ?

Jésus me dit et te dis aussi mon frère et ma sœur : fais confiance, fais totalement confiance au Père, fais le vide en toi, laisse ton vieil homme mourir chaque soir dans les ténèbres de la nuit, et renais chaque matin dans l’aube nouvelle, « d’un cœur nouveau et d’un esprit nouveau ». (Ezéchiel 36.26) Approche-toi de la croix et laisse-toi inonder totalement par Jésus-Christ. Alors seulement, dans cette quête de sincérité, tu seras « justifié », non par tes propres mérites encore moins en te justifiant devant les hommes, mais par le don de Dieu. Ainsi réconcilié avec ton Créateur grâce à l’intercession de Jésus Christ, tu seras « sûr de ton salut ». Alors, tu pourras porter du fruit, imprégné de l’humilité et de l’amour enseignés par le Christ. L’humilité et l’amour voilà les fruits que tu dois porter et que tu peux porter si tu te dépouilles de ton orgueil, de ta suffisance, de ton désir de gloire mondaine, de la quête de la célébrité, du désir d’influencer à la façon du monde.

- L’humilité, qui n’est sûrement pas la dépréciation de soi, mais le renoncement à l’affirmation de soi, qui permet à l’Autre, notre prochain, de venir vers nous en confiance. Donnons-nous accès aux autres de nous aborder facilement ? Si la réponse est non, sachons que nous avons à faire pour travailler notre humilité.

- L’Amour, cet élan d’empathie qui nous pousse ver l’Autre, notre prochain, pour entamer une relation dans laquelle il sera respecté dans son altérité, cette toute petite différence qui fait de lui un être unique dont Dieu le père se préoccupe autant que de nous-mêmes. Aimer, c’est donc être capable d’aller vers l’autre, le rencontrer sans discrimination ni préjugé.

« Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruits ». C’est une invitation explicite adressée à nous chrétiennes et chrétiens de l’Église Évangélique du Cameroun dans cette crise qui nous oppose les uns aux autres et dans laquelle personne ne veut mourir en soi, personne ne veut perdre, personne ne veut laisser. Celui qui aime sa vie et donc la vie terrestre la perdra, nous dit Jésus. Que voulons-nous dans cette lutte interminable ? La vie, la gloire de Dieu ? Notre gloire ? Certainement notre gloire. Jésus nous dit ce jour que la gloire qu’il donne passe par le dépouillement, l’acceptation de l’injustice, l’humiliation, le renoncement à ses droits. C’est ça le grain qui meurt pour porter du fruit. Et toi qui ne luttes pas ou qui crois que tu ne luttes pas ; toi qui ne sais même pas que des gens luttent dans l’Église, Jésus te parle aussi. La gloire, l’élévation, la domination que tu cherches passent par la mort, la souffrance, la croix. Toute gloire, toute élévation qu’on te fait miroiter ou que tu cherches sans dépouillement, sans renoncement, sans perte est une gloire que te propose le diable. Être glorifié selon Jésus, c’est passer par la mort de la croix, l’élévation passe par l’abaissement. As-tu accepté que tu es un simple chrétien en te dépouillant de ton titre de notabilité, de ta casquette administrative, de ton rang social ? N’est-ce pas tu veux être disciple de Jésus et maître à la fois ? As-tu renoncé à ton gris gris, à ton totem de quoi tu détiens ton pouvoir pour influencer les gens à l’Église alors que tu dis vouloir la vie ? As-tu renoncé à ta vie de débauche, à la corruption, aux malversations dans les tontines, aux balances fausses et tu veux que Dieu t’élève ? Ne cherches-tu pas le travail, la promotion et le positionnement en vendant ton corps ton âme au diable ?

Le grain qui meurt pour produire des fruits, c’est notre vieille nature pécheresse qui doit être dépouillée de toute souillure pour produire le fruit de l’Esprit qu’est l’amour. Le grain qui meurt, c’est aussi notre engagement à mourir en nous-mêmes pour vivre sous la totale dépendance de Dieu. Tel est le chemin de la gloire, de l’élévation que Jésus nous invite à suivre aujourd’hui. Es-tu donc prêt ? Veux-tu voir Jésus ?

Amen ! 

Par GUIDEME Gabriel

Ajouter un commentaire

Anti-spam