Créer un site internet

Le Sens de Noël

Quel sens donner aujourd'hui à Noël ?

 

Pendant plusieurs semaines, l’effervescence a envahi les rues, les boutiques, les lieux de travail, les maisons… Sapins et boules multicolores, illuminations et vitrines enrubannées, listes de cadeaux et retrouvailles familiales…

A Noël nous fêtons un événement qui a eu lieu il y a un peu plus de deux mille ans. Dieu fait un cadeau à l’humanité : une naissance. Une naissance pas comme les autres. La crèche, que beaucoup construisent dans l’intimité familiale, en est l’illustration.
Au cœur de la fête de Noël, un enfant. Il ne naît pas dans le confort, mais dans une étable. Ses parents ne trouvent pas de place ailleurs. Il naît à l’écart et dans le dénuement. Quelques années plus tard, il va se révéler un être exceptionnel. Des milliards d’individus à travers le monde s’en disent aujourd’hui les disciples : Jésus.

 

Dieu pour tous

Auprès de Jésus nouveau-né, ce ne sont pas les princes, les prêtres ou les rois qui se précipitent. Les premiers informés de cette naissance sont des bergers qui gardent leurs troupeaux de moutons durant la nuit. Les bergers sont considérés comme marginaux à l’époque. Ils vivent à l’écart, et ils ne peuvent pratiquer la religion, attachés qu’ils sont à leurs bêtes. Ce sont pourtant eux qui sont avertis de la naissance de Jésus et qui viennent le visiter à Bethléem. Ils laissent leurs troupeaux sans pasteurs, au risque de les voir s’éparpiller et de les perdre. Eux, les proscrits, ils deviennent les premiers témoins de celui qu’on leur a annoncé comme le « Sauveur » (c’est-à-dire celui par qui le salut de l’humanité adviendra), mais qui n’est encore qu’un nourrisson couché dans une étable, veillé par ses parents.
De même les mages, ces hommes venus d’Orient, d’ailleurs, « lisent » dans les astres l’inouï de la naissance de Jésus. Une nouvelle étoile est née. Ils la suivent. Ils acceptent de se laisser guider par l’étoile.
Si la naissance de Jésus est d’abord annoncée aux bergers et aux mages, c’est que par cette naissance la révélation de Dieu s’élargit, dépasse les frontières : elle n’est pas réservée à quelques-uns. Elle est pour tous. Dieu se fait proche de tous. Toute l’humanité est concernée. Chaque personne dans cette humanité est concernée. Le message que porte cette naissance, et dont les paroles et les gestes de Jésus seront porteurs, est universel.

Noël, fête de la confiance

Noël, quel beau mot ! Il veut dire « naissance ». Sa seule évocation plonge chacun d’entre nous dans ses souvenirs d’enfance. Noël, c’est la fête de l’enfance.
Mais Noël, c’est d’abord la fête de la naissance de Jésus. Marie, mère attendrie, découvre avec amour l’enfant qu’elle vient de mettre au monde. Emerveillée comme toutes les mères devant leur tout petit. Au fond d’elle-même, elle sait que cette naissance est particulière. Dieu, par un de ses messagers, l’a visitée. Lorsqu’il lui a révélé qu’elle allait concevoir un fils qui « sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut », elle a répondu oui. Elle a accepté de l’appeler Jésus, prénom qui porte déjà la mission qui sera la sienne : Jésus veut dire « Dieu sauve ».
Marie fait une confiance totale à Dieu. Elle ne sait pas d’avance ce qui va arriver. Elle suivra jour après jour les progrès de son fils qui grandira « en âge et en sagesse ». Jusqu’au jour où, surprise, elle le verra arpenter les routes de Palestine en délivrant son message.
Joseph, père ému, découvre lui aussi cet enfant que Marie vient de mettre au monde. Cette naissance est un grand bouleversement dans sa vie. Il ne vivait pas encore avec Marie, il ne pouvait donc s’y attendre. Lui aussi fait confiance à Marie. Elle ne l’a pas trompé. La naissance de Jésus est un événement exceptionnel, qui n’a pas d’équivalent. Joseph épousera Marie.
Noël est donc la fête de la confiance. Malgré la nouvelle de cette naissance extra-ordinaire, bien qu’elle advienne en dehors des convenances de l’époque, Joseph et Marie tournent résolument leur confiance vers Dieu. Ils disent mieux que personne ce qu’est la foi : la confiance donnée à Dieu même lorsque ce qui nous arrive nous dépasse et nous porte plus loin qu’on ne pensait.

Un cadeau venu de Dieu

L’histoire qui lie Dieu avec l’humanité est une très longue histoire. Elle date de la création du monde. L’histoire de cette famille qui se forme il y a un peu plus de deux mille ans aurait peu d’intérêt si elle n’avait pas de suite ! Si elle est racontée dans l’Evangile et si nous fêtons aujourd’hui encore Noël, c’est que, dans cette naissance, c’est Dieu lui-même qui se révèle.
Aujourd’hui encore, beaucoup ont de Dieu l’image d’un Dieu tout-puissant qui nous regarderait d’en haut pour juger tous nos faits et gestes. Pour nous dire au contraire, à quel point il est proche de nous et la force de son amour pour l’humanité, Dieu s’est fait tout proche par Jésus. Il est devenu l’un parmi nous.
Jésus manifeste la présence de Dieu au sein de l’humanité. Noël est la fête où se révèle la présence parmi nous d’un Dieu « fragile » comme un nourrisson. C’est un Dieu inattendu. La foi chrétienne affirme une proximité radicale de Dieu. Jésus a partagé la vie de ses contemporains. Il avait comme priorité les plus petits d’entre les hommes. Il a annoncé l’accueil inconditionnel par Dieu de tous ; son amour total, fidèle, pour une humanité dont il partage les vicissitudes. Il a annoncé que sa présence se révèle dans les plus faibles, les plus démunis,.
C’est cette naissance-là que nous fêtons à Noël. Une naissance-cadeau venu de Dieu. « La Parole de Dieu se fait chair », dit l’évangéliste Jean, « elle a planté sa tente parmi nous ». Dieu nous fait cadeau de sa Parole. Celle-ci ne vient plus seulement de l’extérieur de l’humanité. Par Jésus, elle naît de l’intérieur. Cet enfant, celui qu’on appelle encore le « petit Jésus » de la crèche, porte en lui la promesse d’une rencontre inouïe entre Dieu et l’humanité.
Sait-on encore le sens véritable de la fête de Noël ? Quel rapport entre le sapin vendu dans les supermarchés et le Christ, arbre de vie ? Quel lien entre les bougies électriques qui illuminent nos cités et l’astre de lumière qui se lève sur un monde si souvent en proie à l’ombre de la mort ? Quelle relation entre les cadeaux qu’on s’échange et les présents des mages au roi de l’univers caché dans une pauvre étable ? Comment croire que le bébé au centre de nos crèches est le Fils de Dieu par qui tout a été créé ?

Noël, ce n’est pas seulement la commémoration de la naissance – historique et plus ou moins folklorico-sentimentale – de l’enfant Jésus à Bethléem. C’est la mémoire vivante de l’incarnation de Dieu en personne. Il y a plus de 2000 ans, le Verbe divin s’est fait chair pour diviniser l’être humain. Il est venu habiter le monde de sa compassion. Pour les chrétiens, cette nativité est la clé de l’histoire de l’humanité. L’aube d’une ère nouvelle, fondée sur l’amour, qui n’en finit pas d’advenir.

Cet événement, incommensurable, est en réalité un mystère. Au-delà des lois de la nature et de la logique. Comment Dieu – immatériel et éternel – a-t-il pu prendre un corps humain et mortel ? Comment la vierge Marie a-t-elle pu enfanter la deuxième personne de la Trinité ? Comme Jésus peut-il être à la fois totalement humain et totalement divin ? A l’instar de Joseph dans l’icône de la Nativité, nous sommes stupéfaits, guettés par le doute, peut-être tentés par l’incrédulité.

Fêter Noël, c’est entrer dans ce mystère. Non pas en abolissant notre raison, mais, comme les rois mages – savants de leur temps – en nous mettant en chemin, la conscience ouverte à une autre lumière et connaissance, celle de l’Esprit. En retrouvant aussi la capacité d’émerveillement de l’enfance et la simplicité humble des bergers. Alors, la fête de la Nativité prend un autre sens. Plus profond, plus universel.

« Aujourd’hui, Dieu est venu sur la terre et l’homme est monté au ciel », proclame la liturgie orthodoxe de Noël. Tout est dans cet aujourd’hui. Le mystère n’est pas simplement à dire, il est à vivre. L’événement historique de la nativité du Christ n’acquiert sa plénitude de sens que s’il devient un avènement personnel : naissance intérieure de l’Etre divin et éveil de l’être à la Parole créatrice qui le fonde, dans un processus de pacification et d’unification croissantes.

C’est donc à chaque instant, dans la grotte de notre cœur comme dans l’étable de Bethléem, que le mystère de l’Incarnation peut s’accomplir. A condition que nous disions « oui », comme Marie, au souffle de l’Esprit, que nous nous laissions emporter par sa vie dans un mouvement vers les autres et le monde. La fête de Noël nous rappelle le mot génial de Péguy : « Tout commence en mystique et tout finit en politique. » C’est du dedans, à partir des mutations intérieures, qu’ont lieu les actions de transformation sociale les plus fécondes. C’est de l’espace le plus profond, le plus simple et le plus désarmé de l’humain que rayonnent la parole qui touche les cœurs, l’amour qui libère les captifs et rétablit la justice.

Michel Maxime Egger Evénement et avènement spirituel, Noël est devenu la manifestation du consumérisme triomphant et du règne de la quantité. Au grand dam notamment de la nature. Rien cependant ne nous oblige à « faire » Noël de cette manière. On peut aussi le « vivre » autrement. C’est ce que montre le réseau Chrétiens unis pour la Terre (CUT) dans un livret qui conjugue réflexions et pistes d’action. Une manière d’inviter à la décroissance matérielle à travers une croissance spirituelle tissée de conscience et de fraternité, d’imagination et de joie, de réconciliation et d’amour.

Hécatombe de dindes
Retrouver une « intimité perdue »
Offrir du temps, de la présence, de l’attention
A l’image de l’âne et du bœuf
Noël célèbre l’incarnation du Logos, du Verbe divin en Jésus-Christ, il y a plus de 2000 ans. Un don de Dieu à l’humanité et à la création. La naissance d’un enfant – symbole de fragilité et de vulnérabilité – dans une étable entre un âne et un bœuf, signes de pauvreté et de communion avec la nature. Guidés par l’étoile, des mages venus d’Orient lui apportent des présents : de l’or pour célébrer sa royauté, de l’encens pour affirmer sa divinité, de la myrrhe pour souligner qu’il est pleinement humain, donc mortel, et annoncer la Croix. Ces produits sont autant de fruits de la création, elle-même don libre et gratuit de Dieu comme manifestation de son amour.

Que reste-t-il de cette symbolique dans notre société ? A vrai dire, pas grand-chose. La loi du business est passée par là, qui a dénaturé le sens de la fête. Le dénuement de Bethléem a cédé la place à l’ostentation des décorations, la joie des bergers à la frénésie de consommation, la gratuité des mages aux échanges plus ou moins obligés, intéressés et utilitaires. Sur Internet, les sites de revente de cadeaux – opérationnels dès le 24 au soir – remportent un succès grandissant.

Symbole de don et de partage, le rituel des cadeaux prend l’allure pour certains d’une corvée, pour d’autres d’un « shopping trip » dans les grandes surfaces et les marchés kitsch. S’ils restent des moments importants de convivialité communautaire et de retrouvailles familiales, les repas de Noël en famille peuvent aussi être l’occasion de face-à-face pesants, hypocrites, conflictuels et destructeurs, ainsi que l’a bien décrit le Arnaud Desplechin dans son film Conte de Noël.

Hécatombe de dindes

Evénement spirituel, Noël est devenu en un peu plus d’un siècle la manifestation du règne de l’hypermatérialisme, le triomphe de la démesure : trop d’achats, de superflu, de graisse, de chair animale… Le rituel consumériste a remplacé le rite religieux, le « papier cadeau » les bandelettes de Jésus nouveau-né, le père Noël Dieu le « Père ». Dans une brochure, le réseau Chrétiens unis pour la Terre (CUT) trace un intéressant parcours historique rappelant que le père Noël a commencé « sa carrière d’agent commercial dans un grand magasin new-yorkais, Macy’s, où il recevait la commande de cadeaux des enfants ». Dès 1930, « son apparence a été popularisée et figée par la publicité de Coca-Cola destinée à conquérir de jeunes consommateurs ». Son effigie sera d’ailleurs brûlée en signe de protestation par des chrétiens sur le parvis de la cathédrale de Dijon, le 24 décembre 1951.

Dans tout cela, c’est la nature qui trinque. Pour ne prendre que cet exemple, pas loin de 2,5 millions de dindes sont abattues chaque Noël et 45 millions de canards mâles sont tués chaque année pour faire du foie gras ! Sans compter les ressources naturelles qu’il a fallu consommer et les gaz à effet de serre qui ont été produits pour fabriquer et transporter toute cette nourriture, ces tablettes informatiques, ces jeux vidéo, les papiers pour les emballer…

Retrouver une « intimité perdue »

En même temps, rien ne nous oblige à « faire » Noël de cette manière. On peut aussi le « vivre » autrement. C’est ce qu’a proposé CUT pour le temps de l’Avent. Le réseau a réalisé un livret original, qui propose des réflexions de fond, des témoignages et des pistes concrètes pour un Noël sans cadeaux ou avec des cadeaux qui font sens. Une manière d’inviter à la décroissance matérielle – incontournable pour répondre aux défis majeurs des changements climatiques, de l’épuisement des ressources et des inégalités croissantes – à travers une croissance spirituelle seule à même de la transformer en source de joie, de sens et d’amour. Une façon aussi d’inviter à voir Noël comme un temps sacré, l’occasion – à travers « une dépense improductive » – de retrouver une « intimité perdue » (Georges Bataille) : avec ses proches mais aussi avec Dieu et sa création. Cela, dans un esprit de communion et de réconciliation.

Pour effectuer ce passage, trois choses sont nécessaires. Premièrement, un effort. Car, ainsi que le souligne CUT, « en dépit de nos aspirations à une vie simple, il est difficile d’aller à contre-courant des habitudes, des traditions, du flot de la vie contemporaine et des injonctions de la publicité ».

Offrir du temps, de la présence, de l’attention

Deuxièmement, une métanoïa, une réorientation de nos dispositions intérieures. Ce qui fait la valeur d’un cadeau n’est pas le bien matériel qui le constitue ni son prix, mais la qualité du lien avec l’autre que nous créons à travers lui. Cette qualité dépend de notre présence, de ce que nous avons investi de nous-mêmes, de l’attention que nous avons donné à notre prochain, du temps que nous avons consacré pour mieux le connaître, découvrir ce qui lui ferait non seulement plaisir, mais du bien.

D’où ces questions : « Ai-je ouvert les yeux et les oreilles pour saisir ce qui est un germe d’intérêt ou de croissance chez l’autre ? Quelqu’un a-t-il un besoin qu’il n’ose pas exprimer ? » L’enjeu est d’offrir un cadeau vraiment pour l’autre et non pour soi-même, pour satisfaire son image ou son besoin de reconnaissance. Mais « qu’est-ce que le bien de l’autre ? Est-ce ce qui va conforter ses goûts et ses penchants ou ce qui va aider à les réorienter ? Faut-il offrir à un enfant solitaire un jeu de société ou un loisir à pratiquer seul ? Un don qui ouvre vers quelque chose de différent peut permettre de belles découvertes ou braquer la personne. » Il convient donc de discerner et, une fois le cadeau trouvé, de l’« accompagner » par des mots.

Dans cette perspective, on se rend compte que ce que l’on peut offrir de plus précieux, c’est précisément de la présence. Et du temps, denrée en voie de raréfaction aujourd’hui. Khalil Gibran le disait bien : « C’est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez vraiment. »

A l’image de l’âne et du bœuf

Troisièmement, une démarche de conscience. Pour chaque cadeau ou achat, il importe de considérer son impact écologique et social, les conditions dans lesquelles il a été produit. Combien de blessures, en effet, sont infligées à la création, humaine et non humaine, à travers notre consommation, sans même que nous nous en rendions compte. La vulnérabilité de l’enfant qui naît en ce jour nous invite à la douceur, la non-violence, la délicatesse et la responsabilité. « Revêtez-vous des tendres affections de la compassion, ainsi que de bonté, d’humilité, de douceur et de patience », nous enjoint l’apôtre Paul (Col 3, 12).

Noël nous invite à nous réconcilier avec la Terre, à accomplir un pas de plus vers la réalisation de la grande fraternité créaturelle si bien chantée par François d’Assise. Oui, participons à la douceur désirée par Dieu au principe (Gn 1, 29-30) et pour l’éternité (Es 1, 9) en nous laissant – comme Jésus – réchauffer par l’âne et le bœuf et en devenant l’âne et le bœuf qui veille sur le faible et l’ensemble des créatures.

Quatrièmement, nous avons besoin d’imagination. Le vade mecum du CUT déroule toute une série d’idées pour nous préparer à l’avènement de Noël et donner corps à notre créativité : des prières, des recettes, des jeux, un tirage au sort familial, un coup de pouce à une action de solidarité, la fabrication de cadeaux de notre crû, le choix de pratiques alternatives (circuits de consommation solidaire, de troc, d’échange, de don, de récupération), l’ouverture d’un espace pour accueillir « l’exclu », le « pauvre » ou « l’isolé ». N’oublions pas Joseph et Marie ont fini dans une étable parce que personne ne pouvait / voulait les héberger.

Oui, il dépend de nous que Noël soit un sacrement. Joyeuse fête de la nativité !

Pour prolonger cette médiation : Noël qui fait sens : naître à la lumière

Michel Maxime Egger,

Ajouter un commentaire

Anti-spam