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Le SYNCRETISME

L'Eglise face au syncrétisme

Introduction

L’Église dans sa mission et sa vie fait face à des défis multiples. Ces défis l’invitent à prendre position et à apporter des réponses adéquates. Dans cette dynamique plusieurs approches sont mises en exergue. Les uns, dans le souci d’adaptation adoptent une posture d’ouverture qui consiste à concilier le message évangélique au problème qui se pose. Le concordisme, c’est-à-dire trouver absolument des concordances entre l’Évangile et le problème posé est résultat de cette approche. On trouve cette approche dans la relation entre la foi et la science et la raison. L’autre aile de cette dynamique est le conformisme. Ici, plus que le concordisme, le conformisme conduit à ne pas s’opposer au signe du temps, mais à s’adapter absolument. Cette forme de réponse apparait dans certaines approches d’inculturation. On cherche à tout prix des correspondances des pratiques et doctrines chrétiennes dans la culture, même si fondamentalement elle participe à diluer l’Évangile. Certains rites traditionnels sont tolérés et même copié par les chrétiens dans leur adoration. L’autre approche est radicale et exclusiviste. Tout ce qui est culturel est opposé à l’Évangile et par conséquent doit être rejeté en bloc. On ne regarde pas à l’essence, à son sens profond et à ses implications évangéliques, mais son revêtement extérieur est strictement proscrit. C’est ce qui a animé le rejet des éléments de décoration traditionnel, l’usage des tambours et d’autres instruments de musique traditionnel.  Dans ce travail, nous envisageons de proposer une démarche dialogale. Elle n’est ni exclusiviste ni conformiste. Elle consiste en un échange fructueux entre la culture et l’Évangile. L’Évangile s’intègre dans la culture et lui apporte une lumière pour dissiper ses ténèbres. La culture devient le véhicule de l’Évangile. Elle lui permet de s’exprimer de manière cohérente. L’un des défis majeurs de l’Évangile dans notre région est le syncrétisme. Après avoir défini le concept  et présenté l’état de la question, nous allons présenter le syncrétisme dans la Bible, nous allons répertorier quelques réponses bibliques, théologiques  et ecclésiologique qui nous servirons comme éléments de réponses pour faire face à ce défi dans notre District.

 

 

 

 

 

 

  1. DÉFINITIONS ET ÉTAT DE LA QUESTION

            Étymologiquement le terme  Syncrétisme  vient du grec sunkrétismos et signifie à son origine »front uni des crétois »[1] Il désignait l’accord que les cités Crète, engagés dans des conflits perpétuels, arrivaient à réaliser quand elles avaient à faire à un ennemi extérieur. Le terme avait donc à l’origine une connotation politique et militaire et désigne l’accord entre deux ennemis qui ont un ennemi commun. On peut dire par exemple que l’entente entre pharisiens et hérodiens contre Jésus est un syncrétisme. Il est très important de noter ce premier sens : union ou association de deux doctrines ou opinions divergentes.

En cours de route, il perdit sa signification première d'accord ou de concorde pour prendre de plus en plus celle de fusion (comme s'il dérivait de συγκεραννυμι, « mélanger ») en désignant la conciliation de tendances opposées : entre protestant et catholique, religion traditionnelle et christianisme. Le rigorisme et le radicalisme des divers camps ont contribué à donner à ce terme une valeur péjorative. Du coup, fusion est devenu synonyme de confusion ; et tout produit qualifié de syncrétiste est regardé comme une réalité hybride à rejeter.

 À partir du 19e  siècle, l'histoire des religions utilisa plus ou moins consciemment le mot dans ce sens péjoratif pour désigner des manifestations religieuses hybrides, impures, qui n'étaient pas primitives, mais, au contraire, dérivées de la combinaison de diverses religions, et qui correspondaient à un stade de décadence, c'est-à-dire à l'incapacité de certaines religions à subsister dans la rigueur de leurs formes constitutives. Ainsi, le christianisme est perçu comme un syncrétisme du judaïsme associé à l’hellénisme. Aujourd’hui, le sens premier et religieux que nous donnent les dictionnaires de langue française est la fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses ; en particulier, tentative de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse. Dans ce sens, le mot œcuménisme est synonyme de syncrétisme. Sur une chaine de télévision chrétienne, je suivais mardi dernier, le prédicateur fustiger l’œcuménisme. Pour lui, l’œcuménisme conduit à mettre de côté la doctrine et par conséquent il dilue et fait perdre au christianisme sa valeur. S’il est vrai que dans le mouvement œcuménique on ne s’attarde pas sur les questions doctrinales qui divisent, cela ne veut pas dire qu’on met de côté les fondamentaux. Ce qui nous réuni au sein de l’œcuménisme c’est la foi en Dieu Trine, Père, Fils et Saint-Esprit et au salut par Jésus-Christ mort et ressuscité. De plus, on n’interdit pas aux Églises qui font partie du conseil œcuménique de renoncer à leur position doctrinale en interne. Condamner l’œcuménisme est une rreur !

            Pour le Pasteur Sylvain N. Kalombo, le syncrétisme est un processus par lequel les éléments d’une religion sont ajoutés ou mélangés aux autres éléments d’une autre croyance, aboutissant à un changement de la nature et des fondements doctrinaux de cette religion.  Dans notre propos, nous entendons par syncrétisme la fusion, la confusion, par un individu des pratiques, rites et croyances des religions et confessions différentes conduisant un hybridisme religieux. Dans ce sens, la confusion des pratiques et croyances chrétiennes et les croyances des religions traditionnelles africaines, la confusion des pratiques protestantes et les pratiques catholiques, l’appartenance à une secte ésotérique et la foi chrétienne, l’adhésion à un mouvement religieux pentecôtiste et une église traditionnelle protestante est un syncrétisme.

            Le syncrétisme selon nous se produit lorsque les éléments essentiels ou de base de l'Évangile sont remplacés par des éléments religieux de la culture d'accueil. Elle résulte souvent d'une tendance ou de tenter de porter atteinte à l'unicité de l'Évangile que l'on trouve dans les Écritures ou le Fils de Dieu incarné. La communication de l'Évangile implique la transmission d'un message avec supra - éléments culturels entre une variété de cultures. Cela comprend la désincarnation du message d'un contexte culturel et la réincarnation de celui-ci dans un contexte culturel différent. Le syncrétisme se présente aussi comme la fusion ou la confusion des croyances et des pratiques. La confusion entre foi en Christ Seigneur et sauveur et la foi dans les symboles et éléments visuels. Le sel, l’eau bénite, l’huile d’onction (il n’existe d’ailleurs pas d’huile spécifique, parce que toute huile peut être utilisé pour l’onction des malades)  qui sont des symboles, lorsqu’ils deviennent l’objet de la foi, sont un syncrétisme. Cela se traduit par la folle poursuite des prophètes et apôtres qui se présentent comme les seuls par qui Dieu intervient dans la vie de l’homme. Sur le plan systémique, il n’y a pas de religion qui ait traversé une culture à une autre qui ne soit pas syncrétiste. Encore faut-il noter que ce syncrétisme systémique préserve le substrat de l’Évangile et soit source de richesse pour le croyant.

  1. LE SYNCRÉTISME DANS LA BIBLE

Comme nous l’avons vu ci-haut, le syncrétisme, comme mélange et fusion des croyances ou attitude d’une personne ou d’un peuple qui adopte plusieurs croyances n’est pas récent. Dans un Article anonyme de PEFB Vie Chrétienne : VC-3.2, l’auteur a répertorié quelques cas de syncrétisme chez le peuple d’Israël et ses conséquences.

  • Les Israélites se sont rendus coupables de cette pratique comme nous pouvons le noter dans le passage suivant : « Et ils craignaient l’Éternel, et se firent d’entre toutes les classes du peuple des sacrificateurs des hauts lieux, qui offraient des sacrifices pour eux dans les maisons des hauts lieux : ils craignaient l’Éternel, et ils servaient leurs dieux selon la coutume des nations d’où ils avaient été transportés. (2R 17.32-33) »
  • Dieu en éprouva un vif déplaisir. Il dit aux Israélites : « Et vous n’oublierez pas l’alliance que j’ai faite avec vous, et vous ne craindrez pas d’autres dieux ; mais vous craindrez l’Éternel, votre Dieu, et lui vous délivrera de la main de tous vos ennemis. (2R 17.38-39) »

Les Israélites n’abandonnèrent cependant pas la pratique du syncrétisme nonobstant l’interdiction du seigneur Dieu. « Et ils n’écoutèrent pas, mais ils firent selon leur première coutume. (2R.17.40) » comme conséquence de leur syncrétisme, « Dieu les envoya en captivité pendant 70 ans (Jr 25.5-11). »

Il est donc très important pour le chrétien de ne pas s’associer à des rites et des pratiques en rapport avec les croyances religieuses de son peuple. (Il ne faut confondre religion et culture) Il y a très longtemps, Dieu a averti : « Vous ne ferez pas ce qui se fait dans le pays d’Égypte où vous avez habité, et vous ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Canaan où je vous fais entrer, et vous ne marcherez pas selon leurs coutumes. (Lv 18.3) »

            Dans le N.T. aussi nous trouvons relevé dans les épîtres la présence de syncrétisme. Dans l’article déjà cité, le Pasteur Sylvain N. Kalombo a présenté le cas du gnosticisme dans l’Église Colossienne et ses ramifications dans notre société aujourd’hui.

Les chrétiens de Colosse vivaient dans un environnement fait de pluralisme religieux, coexistant avec des peuples qui adoraient des divinités perses, grecques, romaines, égyptiennes… Et aussi des juifs qui adoraient Yahwé en observant la Torah. Cédant aux prédications des tenants du gnosticisme, ils se sont fondus dans le syncrétisme ambiant. Il en a résulté une croyance qui mêlait les vérités du christianisme et des enseignements du gnosticisme.

Si le chrétien s’engage dans le syncrétisme, il attirera sur lui le même jugement que celui dont Dieu a frappé Israël. Le syncrétisme est un péché. Il encourage la pratique de nombreux rites communément admis dans les religions non chrétiennes. Certains de ces rites mettent la personne en contact avec les mauvais esprits. C’est ce qui se pratiquait dans la religion païenne à Corinthe. « Les choses que les nations sacrifient, elles les sacrifient à des démons et non pas à Dieu : or je ne veux pas que vous ayez communion avec les démons. (1Co 10.20) » 

  1. LES RAISONS ET LES FACTEURS QUI FAVORISENT LE SYNCRÉTISME EN AFRIQUE NOIRE

Un évêque africain disait lors du synode de 1994 : « Beaucoup de croyants africains sont comme les batraciens : quand le danger est dans l’eau, ils sautent sur la terre, et quand il est sur la terre, ils plongent dans l’eau ». Les raisons qui poussent les Africains au syncrétisme ne sont pas difficiles à comprendre. Il y a des raisons  culturelles, sociales, politiques, économiques et spirituelles.

Du point de vue culturel et social, le renouveau culturel en Afrique a encouragé beaucoup de gens à redécouvrir leur passé africain. Comme la culture et la religion sont étroitement liées en Afrique, ce mouvement a entraîné un retour aux pratiques religieuses traditionnelles. Nous voyons un engouement des Africains, chrétiens, intellectuels et adeptes d’autres religions à la revalorisation des cultures et traditions ancestrales. La multiplicité des festivals dans chaque village, groupement et tribu témoigne de cette dynamique. Dans ce mouvement légitime de lutte contre l’acculturation ou la déculturation, beaucoup se sont laissés entrainés et englués dans des pratiques cultuelles a-évangélique et certains théologiens, au nom de cette dynamique, tolèrent voire encouragent ce syncrétisme.  Selon l’auteur de l’article anonyme plus haut-cité, il faut ajouter à cette raison, le fait que, soucieux du bien-être spirituel de ceux qui sont morts avant l’arrivée de l’Évangile, beaucoup de gens, y compris quelques théologiens en vue, ont cherché à justifier les religions traditionnelles préchrétiennes. Nous ne préconisons pas un rejet total et une diabolisation de la culture africaine, mais à travers et dans notre culture nous devrons laisser la prééminence et la primauté à Jésus-Christ notre seul maître et la foi en lui le seul moyen qui nous sauve de la mort éternelle et des problèmes actuels. Aucun mélange de rites ou pratiques n’est permis.

Il faut ajouter, sur le plan social, les pressions familiales, celles de l’entourage, les compagnies et certains milieux socioprofessionnels. Pour intégrer certaines structures, institutions et services, l’appartenance à certains groupes et associations à caractères religieuses, traditionnelles ou sectaires est exigée.

Le besoin d’honneur, de prestige pousse d’autres personnes bien que chrétien, à intégrer certains cercles ésotériques et à acheter certains titres de noblesse avec tout ce que cela comporte.

Du point de vue spirituel, pour l’Africain, Dieu est perçu comme un être distant et inaccessible. Il semble donc raisonnable que les gens s’adressent à des divinités ou à des esprits pour les questions ordinaires de la vie, et n’aillent pas importuner Dieu avec leurs problèmes. La théologie libérale qui s’est infiltrée dans de nombreuses dénominations ecclésiastiques en Afrique a agi sur les mentalités au point de faire dire  « Peu importe ce qu’on croit, pourvu qu’on soit sincère ». Le syncrétisme qui nait de ce facteur se décline en trois formes. La première consiste en un mélange entre les pratiques traditionnelles, fétichistes ou maraboutiques et la foi chrétienne. Les dimanches, le chrétien ou la chrétienne est à l’Église et à la sortie il ou elle se retrouve chez les devins, il/elle place des fétiches dans son champ pour éloigner les voleurs, il/elle va consulter les voyants pour lui dire son avenir, on les lave au village pour se préserver contre le malheur, les malédictions, la malchance. Ils n’ont pas compris que leur foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu créateur des choses visibles et invisibles est au-dessus de toutes ces pratiques. Ils sont sensibles à ce qu’ils touchent et voient comme solution aux problèmes dont ils ont l’assurance qu’ils ont des origines invisibles et métaphysiques. Quelle absurdité !  La seconde  consiste à appartenir à des cercles secrets et se dire chrétien. Beaucoup estime que leur foi en Dieu leur augmente le « pouvoir » et dans la secte ils ont les avantages matériels. La troisième  consiste à appartenir à une Église traditionnelle comme la nôtre et faire partie des groupes de prière ou avoir pour guide spirituel un pasteur d’une église de réveil. Comme dans ces églises, les gourous promettent prospérité, bonheur et miracles à leurs adeptes à travers les huiles d’onction, l’eau bénie ou bénite, l’imposition des mains, des prières dites autoritaires qui paradoxalement rejoignent les croyances africaines adaptées à l’intervention d’un intermédiaire physique utilisant des choses visibles et matérielles. Ce syncrétisme est favorisé par le contexte économique et politique caractérisé par la pauvreté, l’indigénat, les maladies tropicales, les épidémies, la dictature, les troubles politiques divers. Il est aussi alimenté par le laxisme des pasteurs des églises traditionnelles peu soucieux du bien être des fidèles, peu proche d’eux dans leur quotidien et la monotonie des pratiques cultuelles. Les cultes sont souvent moroses, les prédications peu contextuelles.

Ajoutons encore le fait que parmi les jeunes chrétiens, la connaissance de la Bible n’est pas très développée. Ils ne savent donc pas que Dieu ne peut tolérer d’être adoré par des gens qui, parallèlement au culte qu’ils lui offrent, s’adonnent aux pratiques de religions païennes. Beaucoup de ceux qui s’engagent à suivre Christ le font sans savoir exactement qui il est et pourquoi ils le suivent. Peut-être se contentent-ils de savoir qu’il est mort pour leur accorder le pardon de leurs péchés. Encore faut-il comprendre l’implication de cette mort. Mais ils ne saisissent pas que Jésus est aussi Seigneur de l’univers et qu’il a tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. Ils ne mesurent pas que Christ seul est en mesure de faire bien plus que simplement répondre aux besoins les plus cruciaux qu’ils peuvent rencontrer un jour, ou les aider à sortir des graves crises de l’existence. Quand ils se trouvent dans ces situations de détresse, ils sont tentés de faire appel aux esprits ancestraux ou aux puissances mystiques. Ils se disent que seules ces pratiques ont le pouvoir de les aider en cas de besoin. Ils ne se rendent pas compte qu’en retournant en arrière, en s’adressant aux esprits et aux puissances démoniaques, ils placent d’autres divinités devant la face du Dieu vivant. Ils perdent ainsi la protection qu’ils auraient pu obtenir du Seigneur, et s’attirent le jugement divin. Voici que l’Ecriture dit à ce sujet : « Mais vous, vous m’avez abandonné, et vous avez servi d’autres dieux ; c’est pourquoi je ne vous sauverai plus. Allez, et criez aux dieux que vous avez choisis ; eux vous sauveront au temps de votre détresse! (Jg 10.13-14). »

  1. RÉPONSES BIBLIQUES, THÉOLOGIQUES ET ECCLÉSIOLOGIQUES

Dans cette partie nous nous proposons d’ »examiner et de poser les jalons de quelques réponses bibliques, théologiques et ecclésiologiques à cette nébuleuse qui gangrène, dilue et édulcore la vie des chrétiens et chrétiennes de notre région.

            La Bible révèle que le syncrétisme est un outil que le Diable utilise pour éloigner le peuple de Dieu. De ce fait, la Bible adopte une position claire par rapport au mélange des croyances. Le premier commandement stipule que : «  tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » (Exode 20 :3). Le mélange de culte, de croyances est formellement proscrit par l’Éternel Dieu libérateur du peuple d’Israël de l’esclavage et du monde du péché et de la mort par le sacrifice de son Fils unique Jésus-Christ. Dieu interdit à son peuple l’adoration d’autres dieux non par simple orgueil, mais parce qu’il est le seul qui leur assure la Providence, la protection et la vie. Dieu ne veut pas que son peuple s’égare et perde son énergie à adorer d’autres divinités incapables de leur accorder la vie et la protection. Cette interdiction est pour le bien de l’homme et non pour le simple plaisir de Dieu. Dieu n’est pas comme ce père incapable de nourrir et d’assurer l’éducation à ses enfants et pourtant refuse à un autre de les encadrer. Le résumé de la loi renchérit cette prescription en ces termes : « Et tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de toute ta force. » (Dt 6.5 ; Mc 12 :29). Le syncrétisme est pour Dieu le signe que nous lui avons tourné le dos et par conséquent nous nous éloignons de sa protection. Il faisait remarquer au peuple d’Israël que leur oppression par les étrangers est due à leur syncrétisme. (Jg 10.13-14)

            Les réponses théologiques sont mitigées. Du point de vue théologique et en tant que religion ou système de pensée, le christianisme est un syncrétisme. C’est la fusion du judaïsme avec les enseignements de Jésus et de ses disciples. Dans un article sur ce sujet en ligne, nous notons que : « la communication inter - culturelle de l'Évangile comporte toujours au moins trois contextes culturels. Le message de l'évangile a été donné dans un contexte spécifique. Le récepteur/émetteur attribue un sens à ce message en termes de son propre contexte. Le récepteur cherche à comprendre le message dans un contexte tiers. Le problème du syncrétisme sera rencontré avec chaque nouvel élan de l'Église et aussi les changements de la culture autour d'une église établie. »[2] Cette remarque est juste et soulève le problème de l’incarnation de l’Évangile dans une culture. Cette incarnation, parfois mal conçue, conduit au syncrétisme. Cependant, toute incarnation de l’Évangile dans une culture n’est pas un syncrétisme. Aujourd’hui on parle de contextualisation. C’est-à-dire rendre accessible l’Évangile né dans une culture par une personne mue d’un bagage culturel à un autre d’une culture sans diluer l’essence de l’Évangile. Ce n’est pas une adaptation de l’Évangile à la culture, mais une herméneutique, une expression de l’Évangile dans le lange culturel du récepteur. Le souci d’adaptation est le véritable danger de la communication interculturelle de l’Évangile. Du point de vue théologique le syncrétisme nécessite une réponse herméneutique, méthodique et ecclésiologique.

Les théologiens africains dans la perspective de résoudre l’épineux problème du coulissage de l’Évangile dans la culture africaine ont mis sur pied plusieurs orientations théologiques, dont la théologie noire, éthiopique, qui sont typiquement identitaires. Elles identifient Jésus à un ancêtre, Guérisseur et par conséquent constituent des leviers qui crédibilisent le syncrétisme. L’Inculturation entreprise par la théologie catholique et la contextualisation qui est la réponse protestante n’ont pas échappé à cette tentation de glisser dans le syncrétisme. Car par souci de trouver des correspondances bibliques dans la culture africaine on est arrivé à introduire dans les pratiques chrétiennes des rites traditionnels purement religieux et tolérés certains rites qui contredisent l’Évangile. Pour Fabien OUAMBa, « l’inculturation cache un réel désir du retour au paganisme pour une catégorie des chrétiens ou une stratégie de la revanche de ce même paganisme contre le christianisme à partir de l’intérieur de celui-ci. Pour un certain nombre de chrétiens, ouvrir l’Évangile à la culture africaine correspond à laisser le chrétien africain reprendre ses idoles, intégrer ses dieux dans la foi, aller chez le voyant, sacrifier aux crânes des ancêtres, se blinder sans mauvaise conscience, se faire purifier par les prêtres de la religion traditionnelle. C’est en somme, avoir la licence de pratiquer le paganisme dans le christianisme et dans l’Église sous le couvert de l’inculturation. »[3] Ce que le Professeur Ouamba relève est pertinent et vaut son pesant d’or. Toutefois, s’il faut remarquer comme Matial Takoukam que bien que  l’inculturation est « inquiétante » on ne devrait pas la rejeter en bloc. Il faut revoir sa démarche. Pour lui,  « l’inculturation de l’Évangile…dans la région de l’Ouest n’aura de saveur et de valeur pour le réveil spirituel que lorsqu’elle libérera les fidèles des aliénations des coutumes et traditions avilissantes telles que les sacrifices, le veuvage, la magie, le spiritisme, l’occultisme, le culte aux morts… »[4]  L’examen des différents courants théologiques qui ont essayé de proposer de réponse à la communication interculturelle de l’Évangile nous permet de déceler trois démarches. La première consiste à intérioriser l’Évangile dans la culture. Cette méthode vise à garder l’authenticité de l’Evangile et à transformer la culture. Cette méthode a l’avantage de ne pas favoriser le syncrétisme, mais elle est pour certains analystes source d’acculturation et de paupérisation anthropologique. La seconde démarche est la réexpression de l’Évangile dans la culture. Avec cette démarche la relecture et la réinterprétation de l’Evangile sont déterminées par la culture. L’Évangile n’a de sens que s’il trouve un écho dans la culture. Cette démarche sauve la culture de l’altération et sacrifie l’Évangile au syncrétisme. La troisième méthode établit une interaction entre l’Évangile et la culture. Avec cette méthode la foi s’enrichit au contact d’une nouvelle culture et découvre en elle-même de nouvelles sensibilités et des valeurs qu’elle apporte à cette culture. Ici l’Évangile et la culture s’enrichissent au contact de l’un et de l’autre. La solidarité africaine, la sacralité de la vie et de la famille, la totale dépendance de l’Africain à la providence (Dieu s’appelle « Nsi », « la terre », « la présence »), donne à l’Evangile qui invite à la solidarité et à l’amour, à l’abandon total en la providence divine d’être compris et accepté. L’Évangile libère l’Africain des rites et sacrifices aux divinités pour avoir leur protection, la récolte, la fécondité pour le tourner vers la foi en Jésus qui nous donne toutes ces choses sans sacrifice. La croyance en la vie après la mort, mais dans l’amertume et la nostalgie de partager la vie des vivants participent à aider les africains à accueillir l’espérance chrétienne en une vie éternelle dans la plénitude en présence de l’Éternel où maladie, faim, haine, mort n’auront plus droit de cité.

      Sur le plan ecclésiologique, l’article 102 portant sur les principes généraux de l’éthique au sein de l’EEC en son alinéa e) invite tous les membres de l’EEC d’être à l’exemple du Seigneur Jésus-Christ de s’efforcer à être des témoins fidèles, authentiques et engagés dans tous les actes de la vie. La fidélité à Jésus-Christ et l’authenticité de l’agir du chrétien exclut tout syncrétisme. C’est dans cette perspective que certains pasteurs ont été mis sous discipline pour avoir flirté soit avec d’autres églises à caractères sectaires, soit pour avoir été impliqués dans des pratiques et rites non évangéliques. Cette disposition nous donne de comprendre que notre Église s’oppose radicalement au syncrétisme.

Conclusion

            Notre propos était de montrer comment l’église perçoit et se positionne face au problème du syncrétisme. Nous avons vu que le syncrétisme est aussi vieux que les religions. Plusieurs raisons et facteurs favorisent le syncrétisme en Afrique. Notamment les facteurs culturels, la peur, l’incertitude, l’ignorance de ce qu’est croire en Jésus Seigneur et sauveur, la pauvreté. Nous avons noté que la Bible a une position claire sur le syncrétisme. Dieu ne tolère pas le syncrétisme. Du point de vue théologique, les efforts ont été faits pour mettre sur pied des démarches pour faire coulisser l’Évangile dans la culture africaine. Certains de ces efforts ont par contre favorisé le syncrétisme. Nous avons souligné que le souci d’adaptation est un danger à l’authenticité de l’Évangile. Nous avons opté pour la démarche qui favorise l’interaction entre Évangile et culture. L’authenticité de l’Évangile est préservée et enrichit par des valeurs culturelles qui lui servent d’appui. La culture est épurée d’aspects superstitieux, magico-mystiques et enrichi par la lumière de l’Évangile. Au-delà de ces propositions, nous pensons que les Églises traditionnelles dont la nôtre doit revoir ses méthodes d’évangélisation et d’enseignement. Nous devrons être plus proches des chrétiens, mettre en valeur les médias pour véhiculer la Bonne Nouvelle et former intensément à la base les catéchumènes pour qu’ils ne soient pas des chrétiens syncrétistes. Nous proposons qu’un module portant sur le syncrétisme soit introduit dans la formation des catéchumènes au baptême et même le catéchisme nuptial. Nous proposons une réponse à double volet pour éviter et sortir du syncrétisme dans notre contexte. D’une part nous proposons la contextualisation, pas dans une forme adaptationiste, mais comme le fait de rendre le message biblique accessible et compréhensible aux auditeurs sans altérer la révélation. C’est la communication d’un message dans un langage, avec des formes et un genre littéraire propre à la région réceptrice. D’autre part, l’affirmation de la suprématie de la personne et de l’œuvre du Seigneur Jésus-Christ. Il faut affirmer haut et fort la totalité, la perfection et la suffisance de Christ et de l’œuvre de Golgotha. Jésus est Seigneur, Il a tout accompli à la croix. Il est le seul intermédiaire entre Dieu et les hommes. Seul son nom a été donné parmi les hommes par lequel les hommes peuvent être sauvés. L’Église doit affirmer avec Kato que « ce n’est pas du néo-colonialisme que de vouloir Jésus seul en toute chose, ni de l’arrogance que de soutenir que ceux qui ne sont pas en Christ sont perdusl. »[5]

Par GUIDEME Gabriel, Pasteur proposant

 

[1] [1] « Syncrétisme », Encyclopaedia Universalis [En Ligne].

[2] « Syncrétisme », http://mb-soft.com/believe/beliefrm.html'.

[3] Fabien OUAMBA cité par Matial TAKOUKAM YOUMESSI, « Les défis de la foi en zone rurale »in  Magazine de l’événement, un journal produit à l’occasion de la dédicace du Temple de l’Annexe de Tchoket, P.13.

[4] Martial TAKOUKAM YOUMESSI, Op. Cit.,p.14.

[5] Byang Kato, Pièges théologiques en Afrique (Abidjan : Edition CPE, 1981), p. 9.

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