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Acteur de la transfiguration?

La Transfiguration

Textes : Luc 9, 28-36

Thème : Des acteurs de la Transfiguration ?

Bien-aimés dans le Seigneur, nous rendons grâce au Seigneur qui nous donne de vivre ce deuxième dimanche de Carême. Dimanche dernier le message portait sur la tentation de Jésus dans le désert après quarante jours de retraite et de jeûne. Ce récit, au-delà de ce que nous avons appris, nous présente les traits du Messie dont est Jésus. Contrairement aux attentes politiques, économiques, hégémoniques du peuple juif, Jésus se présente dans ce récit comme le Messie détaché de la possession des biens matériels et terrestres et attachés à l’écoute et à la pratique de la parole de Dieu par laquelle il vit. La satisfaction des désirs charnels (pain), le pouvoir politique, la renommée, la célébrité, la notoriété, le prestige, la popularité et la puissance, qui constituent ce qui fait la gloire pour les hommes, ne sont pas son apanage et le but de son ministère terrestre. Aujourd’hui pour assouvir leur soif du pouvoir, de puissance et de gloire selon la conception humaine, les hommes ont conçu un Jésus distributeur de gloire, de promotion, de notoriété jusqu’à vendre en son nom des huiles d’onction spécifiquement destinées à donner aux hommes la gloire terrestre. Suivez mon regard ! Très vite on a mis de côté la sévère réprimande que Jésus a faite aux fils de Zébédé selon laquelle, ils ne savent pas ce qu’ils demandent lorsqu’ils ont désiré occuper une place privilégiée autour de lui. Ensuite, dans le texte du dimanche dernier Jésus refuse de donner les preuves de sa messianité en mettant Dieu à l’épreuve, contrairement à cette théologie de la programmation des miracles et des délivrances qui prospèrent aujourd’hui et qui drainent les adeptes du merveilleux et du terrestre. Oui, seuls les adeptes des marabouts peuvent aller d’église en église, de pasteur en pasteur à la recherche de mariage, de promotion, de guérison, d’anéantissement de leurs ennemis. Parce que ce n’est pas le Christ qui agit, mais les hommes on est en quête du marabout-pasteur le plus puissant, celui qui propose plus de contraintes et vous fait payer cher les huiles d’onction, les eaux et sels bénits.  À la suite de ce récit de la tentation qui nous prépare à reconsidérer notre conception du messie et notre relation avec lui et surtout nous prépare à la passion et à la mort du Christ, le récit de la transfiguration est une étape importante.

Ce récit de la Transfiguration vient après la confession de Pierre, l’annonce des souffrances de Christ et juste après cette déclaration forte de Jésus à ceux qui veulent le suivre : « celui qui voudra sauver sa vie la perdre, mais celui voudra la perdre à cause de moi la sauvera ».  Cette forte déclaration située en amont de notre texte n’est pas anodine. Elle invite le disciple de Jésus au reniement de soi, à l’abnégation et surtout à considérer au premier chef sa vie dans la communion avec Christ plutôt que le gain matériel et terrestre qu’il tirerait derrière lui. Nous n’avons pas la prétention ni l’intention de condamner les possessions matérielles, elles sont d’ailleurs une bénédiction divine, mais ce texte veut nous montrer que pour Jésus ce qui doit faire l’objet de notre recherche c’est le règne de Dieu et sa justice. Or, suivre Jésus, selon ce texte, c’est se charger de sa croix donc souffrir et perdre sa vie pour Christ afin de la gagner en lui. Il ne s’agit pas de la mortification dont se faisaient subir les chrétiens du moyen âge et d’autres encore aujourd’hui, qui prétend qu’à force d’abstinence, d’ascèse et de privation diverses ils attireraient la grâce et la miséricorde de Dieu en leur faveur. Quel triste sort ! Le Dieu de Jésus Christ n’est pas aussi sadique et tyran que cela. Il est amour. Par la grâce seule, il nous sauve et nous bénit. Notre attachement à lui consiste à s’ouvrir à cet amour et à compter totalement sur son amour. Parce que nous avons reçu cet amour, nous pouvons aussi aimer sans compter. À la suite de notre texte, Luc présente le récit de la guérison d’un démoniaque et l’annonce de la mort et de la résurrection de Jésus. Luc veut nous amener à comprendre que si la Transfiguration nous révèle la gloire de Christ et prépare les disciples à sa passion, la souffrance dont devraient subir les disciples n’est pas une souffrance spirituelle. Le Christ transfiguré et qui va souffrir guérit et sauve ceux qui viennent à lui de toute dépression, de toute oppression et de toute possession. On ne peut être Chrétien, c’est-à-dire disciple de Christ et souffrir de telles souffrances. Au contact du Saint-Esprit et du nom de Jésus reconnu avec foi, toute dépression se transforme en espoir, toute oppression devient libération et toute possession devient guérison. Aucun démon ni esprit ne peut garder captif un disciple de Jésus-Christ. Si vous êtes encore oppressé ou possédé, il faut se rassurer que vous n’êtes pas encore devenu disciple de Jésus. Mais, l’annonce de la mort et de la résurrection qui s’en suit participe à montrer aux disciples que s’ils sont libérés et délivrés de toute oppression et possession, ils ne peuvent échapper au rejet, à la persécution, à la haine et même à toute forme d’injustice de la part de ceux qui sont opposés à Christ. On peut être disciple et manquer du travail, ne pas être promu alors qu’on travaille durement, on peut être détesté par ses collègues et les voisins alors qu’on est aimable et bienveillant ; on peut attendre le mariage pendant longtemps, avoir de salaire non payé juste parce que ceux qui sont en face s’opposent à nous et veulent nous amener à remettre en cause la toute-puissance de Dieu et son amour pour nous. L’annonce de la résurrection montre que quelle que soit la souffrance que nous pouvons subir nous triompherons avec Christ qui a triomphé de la mort. Le roi David l’a expérimenté lorsqu’il dit : « le malheur atteint souvent le juste, mais l’Éternel l’en délivrera toujours ». Quelle merveilleuse expérience ?

 Qu’en est-il du récit de la Transfiguration proprement dite ? À partir de ce qui précède, l’auteur ne veut pas retenir notre attention sur le merveilleux du texte, l’éclat de la gloire du Christ comme nous le pensons souvent, mais sur cette déclaration de la voix qui se fait entendre dans la nuée : « Celui est mon Fils élu : écoutez-le ». La Transfiguration nous invite donc à reconnaître dans l’humain et le naturel, le divin et l’élu de Dieu afin de l’écouter. Cette parole qui sort de la nuée nous rappelle les événements de Sinaï où Dieu fait descendre sa loi afin que sont peuple obéisse à elle. Elle vient couper court l’émerveillement de Pierre qui ne sachant quoi dire veut s’installer et confisquer pour lui seul l’expérience de la transfiguration et la rencontre avec Dieu. On ne s'installe pas, on continue ! On redescend dans la plaine ; et là, dans la plaine où vivent les hommes, une seule chose importe : écouter Jésus pour faire ce qu'il dit. Non pas voir, être ébloui et ne rien faire, mais écouter et faire (écouter veut dire obéir).  Nous ne sommes pas souvent différents de Pierre lorsqu’à certaines occasions nous avons le sentiment fugitif que Dieu est évident. Ce sont des instants merveilleux que l'on voudrait éterniser, comme certains moments de prière, des retraites spirituelles, des moments de louange, de communion fraternelle. À ces moments-là, rien ne fait problème. La foi va de soi. Les contestations de l'athéisme semblent enfantines, l’incrédulité des païens une folie, le doute des sceptiques une absurdité. On baigne dans la lumière ; on va jusqu'à dire qu'on « sent » Dieu, qu'on le touche, qu'on le respire presque physiquement. Et tout à coup plus rien. La nuit vient sur les yeux, la brume envahit l'intelligence, le cœur et la volonté. Plus rien n'est sûr. On dirait, on descend sur terre. Ce n'est plus la colline dans le soleil, mais la plaine morne et pâle où vivent les hommes, avec la famille, le métier, les relations, les maladies, les déceptions et les échecs. Alors, on commence à se poser des questions qu’on rejetait avec véhémence avant et le doute s’installe : « Tout cela est-il bien vrai ? Et d'abord Dieu existe-t-il ? Et si Dieu existe, Jésus Christ est-il vrai Dieu et vrai homme ? Et l'Église ? Sa parole est-elle bien la parole de Jésus Christ ?  Et puis est-il tellement nécessaire que Dieu soit, pour que nous ayons le courage de retrousser nos manches jusqu'aux coudes et de lutter contre l'injustice et le mensonge pour la construction d'un monde plus habitable et plus fraternel ? A-t-on vraiment besoin de Dieu pour trouver un emploi, pour réussir un mariage ? » Plusieurs se sont posés de telles questions à la suite d’un programme de Jeûne ou de prière. La Transfiguration nous invite à l’obéissance à la parole de Dieu pour la vivre dans le monde de souffrance et d’injustice afin d’éclairer par nos vies les vies sombres et obscures des hommes et femmes qui sont loin de Dieu plutôt que de s’installer dans le merveilleux, la contemplation, l’extase. N’avons-nous pas mis plus d’énergie à la prière qu’à l’action concrète ? Ne sommes-nous pas restés des chrétiens du Temple et de l’Église en nous abstenant de témoigner Christ par nos vies et nos actions dans le monde ?

La Transfiguration c’est aussi la révélation de Dieu dans l’humain. Pour une fois les trois disciples sortent de leurs soucis quotidiens pour une retraite, pour une fois qu’ils se détachent de la foule agitée où ils se donnent de l’importance pour se trouver dans un lieu calme et solitaire où ils se sont recueillis, apaisés et se sont tus ;pour une fois qu’ils se sont dépossédés de leurs ambitions pour être seuls avec Jésus, ils ont ressenti le rayonnement de sa présence, l’intensité de son influence et sont devenus attentifs et ont commencé à l’entendre comme ils ne l’avaient jamais entendu, à le voir comme ils ne l’avaient jamais remarqué, alors qu’il était toujours avec eux. Qui a donc changé pendant la transfiguration ? Le regard des disciples sur Jésus ou l’aspect du visage de Jésus ? Le texte donne l’impression que c’est la seconde proposition qui est juste et pourtant même si c’est l’autre proposition, l’auteur n’aurait pas raconté cela autrement. Nous pensons que c’est le regard des disciples sur Jésus qui a changé. Dans ce cas, nous sommes responsables de la transfiguration ou de la défiguration. Considérez les fiancés ou les amoureux. Chacun éprouve de la joie à faire naître sur le visage de l’autre un sourire, à illuminer son visage et à transformer son expression. Mais hélas, après le mariage personne n’a plus le temps d’exercer ce pouvoir sur l’autre.  Le visage de l’autre resplendit et s’illumine au contact d’un regard accueillant, attentif et plein d’amour. Ce regard voit sur la face d’une prostituée une créature faite à l’image et à la ressemblance de Dieu et digne d’amour et de respect. Il ne considère pas les autres sur leur apparence, leur appartenance ou leurs avoirs. C’est ce que Jésus fit avec la femme prostituée qui versa sur ses pieds le parfum de grand prix, ce qu’il fit avec Zachée le publicain, ce qu’il avec la femme souffrant de la perte de sang. Parce que les disciples étaient débarrassés des clichés et stéréotypes humains et de détachés de préoccupations temporelles, ils ont pu découvrir Jésus dans sa divinité, ils ont pu contempler son vrai visage. La Transfiguration exprime ce mystère vérifiable : dans la chair fragile, une ferveur, un éclat, une lumière se fait constater quand on accueille la vie qui est en elle. Cette vie qui vient de loin, celle de Dieu dont elle est l’image et la ressemblance. La transfiguration c’est donc pour nous percevoir dans un corps vieilli, une intensité, dans un visage souffrant un regard vivant, chez un étranger et un réfugié, une occasion d’accueillir un ange, dans une femme, la mère de l’humanité, dans un affamé, un chômeur, une présence et une compagnie indispensable. La Transfiguration, c’est cesser de regarder l’autre sous les clichés exclusivistes et discriminatoires pour accueillir Christ qui se révèle dans un visage autre (c’est d’ailleurs le mot qu’utilise Luc et non métamorphose comme Matthieu et Marc). Dieu se révèle dans un visage autre que la nôtre. Accueillir, l’autre, l’aimer et le respecter participe à illuminer son visage et le faire rayonner de Joie et d’amour. Christ, nous l’a d’ailleurs dit que chaque fois que vous accueillez l’un des ces petits en qualité de mon disciple c’est moi que vous accueillez. Or, notre monde matérialiste, compétitif et consumériste défigure l’autre. Car autrui est pour nous une menace. Du coup nos regards sur autrui augmentent les rides, assombrit les visages et remplis les yeux des larmes. Écoutez le Fils élu de Dieu, c’est donc, accueillir, aimer, respecter et avoir de la considération pour tout être humain quel que soit son apparence, son avoir ou son origine. La transfiguration, c’est écouter Dieu et obéir à sa parole plutôt que d’être émerveillé, ébloui et demeurer inactif, laxiste et immobile. Transfigurer des visages dans le monde en redonnant la vie et la joie de vivre aux hommes et femmes désespérée et sans repère par notre amour sans mesure et transformer le monde par notre action responsable et juste, c’est ce à quoi le Seigneur nous invite sur le chemin de la croix qui mène à la gloire. Que chacun illumine de son regard et de son action la vie des autres à la gloire de Dieu. Amen !

Par Pasteur proposant GUIDEME Gabriel       

Commentaires

  • SILE

    1 SILE Le 29/02/2016

    Merci pasteur pour cette brillante communication.Ce que j'ai retenu c'est que c'est la face des disciples qui s'est transformée en contemplant la face du Christ.Cette transformation nous donne de contempler et de voir la face des frères et des sœurs sous l'angle de l'image de Christ.C'est dire que ce regard ce ne tient pas compte de ce qu'est
    l'autre,ni sa beauté,ni ses ressources,ni ce qu'il représente socialement, mais simplement comme un être fait à la ressemblance de Dieu ,vision qui balaie tout clanisme,toute division et donne à chaque être de ]reconnaître qu'on est enfants d'un même père.Qu'il en soit ainsi.Amen
    guigagui2014

    guigagui2014 Le 14/04/2016

    Très bien compris. Sois béni!

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