Quand les fondements sont renversés

Culte d’inhumation 

Prédication

Textes : Psaume 11  et Marc 13 : 1 - 2

Bien aimés dans le Seigneur Jésus-Christ, amis et familles de Papa Fotso Jean haut commis de l’État et serviteur du Dieu vivant, chers auditeurs et auditrices, c’est toujours difficile de prendre la parole dans des circonstances pénibles comme celle-ci, même en qualité de porte parole. La tâche que me confie le Dieu vivant par le truchement du responsable du district de Batoufam à qui je dois toute ma reconnaissance n’est pas des moindres lorsque devant moi sont assis les dignitaires de l’Église et de la nation. Je vous prie d’être juste attentif à mes balbutiements sachant que Dieu se révèle souvent à travers ce qui est vil et méprisable.

Permettez-moi de dire que Papa que voici couché est mon père, mon ami et mon beau comme on aimait bien s’appeler. Il ne manquait jamais de s’arrêter chez moi chaque fois qu’il monte en paroisse pour se  préparer à la sainte cène. Il m’avait confié qu’il n’a pour seul souci que sa perte d’acuité visuelle. J’étais très heureux de le revoir le dimanche 12 aout du retour de mes congés. Je ne pouvais imaginer que c’étais pour la dernière fois. Papa avait-il su qu’il ne participerait pas de manière active à ma consécration dont on ne sait ni l’heure, ni le jour encore moins le lieu puisqu’il m’a déjà remis sa contribution ? C’est un grand choc de perdre un être si cher et surtout quand on s’attend le moins. J’imagine ce qui défile dans l’esprit de sa tendre épouse, de ses enfants, petits-enfants, ses beaux fils et filles, ses amis et collègues. Ce n’est pas un rêve, papa Fotso n’est plus. Nous ne le reverrons qu’à la résurrection si nos chemins se croiseront.

Frères et sœurs en Christ, illustre assemblée, les deux textes dont lecture vient d’être faite ont en commun le renversement de ce qui est établi, la destruction des fondements qui apparemment sont solides. Jésus, dans l’Évangile prend en contre pied ses disciples qui exaltent la solidité du temple de Jérusalem bâti par Hérode (pourtant pas encore achevé). Nos édifices publics, temple, écoles services publiques sont-ils construits avec soin ? Jésus annonce à ses disciples que dans un avenir très proche, ils ne verront plus pierre sur pierre sur ce lieu car tout sera détruit. Il est important de signaler que la foi juive est bâtie sur quelques piliers  dont la terre, la Torah ou loi, la royauté, le temple et bien d’autres. Annoncer la destruction totale du temple revient à dire effacer les traces de la présence de Dieu dont déraciner le fondement principal de leur foi. Vous le savez tous que depuis que le temple a été détruit en 70 il n’a pas pu être reconstruit. En effet, Dieu veut conduire sont peuple à bâtir sa foi et son espérance non sur un bâtiment édifié des mains d’hommes ou sur un homme fut-il le grand bâtisseur de la nation, mais sur lui qui est éternel et dont la demeure s’étend jusqu’aux extrémités de la terre. Malheureusement,  c’est souvent le cas dans des familles, institutions ou nations où certaines personnes sont divinisées et constituent pour les leurs le symbole et l’incarnation de leur espérance voire de leur raison de vivre. Ceci est entretenu de manière consciente ou inconsciente. Il suffit d’écouter certains faire l’éloge d’un des leurs ou d’écouter les lamentations pendant les deuils pour mesurer la pertinence de notre remarque.  Quand ces personnes tombent ou meurent, la famille est dispersée, l’institution est ébranlée, la nation est dans le chao. Au lieu de fonder son espérance, sa foi et sa raison de vivre sur un être éphémère, il faut se confier en Dieu qui est éternel. Concrètement, ce qui construit notre espérance en cette personne est l’élément divin qui se trouve en lui. Ainsi, au lieu de perdre tout repère à la mort de ces hommes ou femmes, il faut capitaliser ce qui est de divin en lui/elle : leur amour, leur honnêteté, leur probité, leur sens de service.  À la famille et à tous celles et ceux qui ont bâti leur espérance en papa Fotso, ne soyez pas ébranlé, capitalisez ce qu’il vous a légué d’impérissable. A celles et ceux qui entretiennent l’idée d’un homme ou d’une femme providentiel, ceux qui font d’autres hommes mortels comme eux des indispensables, quand il ou elle va tomber que ferez-vous ? C’est certain qu’il ou elle tombera et on aura de lui ou d’elle des lointains souvenirs ? Où est passé Mandela, Martin Luther King, Kadhafi pour certains, Mfochivé de l’EEC ? Qui pouvait imaginer qu’une vie paisible était possible après eux ?

Le psalmiste l’a compris, c’est pourquoi dans ce psaume il professe clairement que c’est en l’Eternel qu’il a mis  sa confiance. Il est étonné du conseil de fuir qu’on lui donne. Comment pouvez-vous me demander de fuir dans les montagnes alors que mon refuge est en Dieu ? En effet, dans des situations de crises politiques ou sécuritaires très grave, on conseille au croyant de s’enfuir pour se mettre à l’abri. Est-ce le conseil que mettent en exergue les églises protestantes et pentecôtistes du Cameroun qui ses sont totalement effacé de la scène politique nationale en cette période de crise grave qui secoue l’unité et la stabilité de notre pays ? Fuir, c’est se résigner, être indifférent, choisir les solutions faciles comme prier par exemple. Il est bien de prier. Pourtant, prier est souvent une façon de fuir la réalité pour fermer les yeux et imaginer un monde transformé et paisible. Pourquoi Martin Luther King ne s’est-il pas contenter de prier pour lutter contre la ségrégation raciale aux États-Unis ? Pourquoi Jésus lui-même n’a pas prié quand il a trouvé les gens entrain de profaner le temple de l’Éternel ? C’est vrai que certaines églises n’ont pas de voix pour prier Dieu car elles sont entrain de prier les hommes pour les aider à mettre en pratique la justice, le pardon et la réconciliation qu’il prêche régulièrement. Il est hautement significatif de signaler que ceux qui  conseillent David de fuir sont des croyants, mais timides et lâches qui ont peur de s’exprimer et d’agir. Ils demandent au juste de fuir alors que la menace est encore en préparation. C’est une mesure de prudence certes, c’est souvent un manque de confiance en Dieu. Ils agissent en déphasage avec la parole de Dieu qui demande aux croyants d’être la sentinelle dont le rôle est d’avertir, de signaler le danger en vue d’agir et non de fuir. Les chrétiens sont-ils aujourd’hui la sentinelle de la nation ? Ne sont-ils pas surpris par les menaces et les crises qui secouent leur peuple et les secouent eux-mêmes ?

Dans une telle situation paradoxale où la sentinelle dort, le gardien fuit, que fera le juste ? Oui, que fera le juste quand les fondements sont renversés ? Les fondements sont renversés quand les lois les plus essentielles de la société sont violées, l’anormalité est normalisée, la logique du favoritisme, du népotisme prime sur la logique du travail, du mérite et de l’efficacité. C’est une société où les valeurs sont renversées. En observant notre société et l’actualité, il n’y a aucun doute que nous vivons ce renversement des fondements. Nous vivons dans une société où l’injustice est une règle et la justice une exception ; une société où les déréglés mentaux et les déséquilibrés sont promus et les équilibrés et pragmatiques sont engloutis. Une société où les chrétiens au lieu d’être dans le monde sans être du monde sont plus mondains que les mondains. Une société où les retraités travaillent et les jeunes sont à la retraite. Une société où on promeut les obscénités, les immoralités et on voile et condamne la moralité, la décence, la pudeur. Le juste peut-il vivre dans une telle société ? Ne doit-il pas fuir ? Il doit fuir, fuir dans les montagnes comme un oiseau qui n’a pour vocation que de s’envoler disent les croyants peu affermis et non audacieux. Il faut fuir, sortir du milieu des infidèles (pour créer un autre monde d’infidélité) disent certains courants religieux. Si le chrétien ne fui pas, comme David l’exprime ici, ce n’est pas en comptant sur ses forces, mais en se refugiant en Dieu qui couvre toute la terre de son regard. Le chrétien tient son courage et son audace de Dieu qui lui donne son Esprit afin de combattre le mal. Le combat n’est pas charnel ni spirituel dans le sens sensationnel du terme. C’est un combat des principes et des valeurs. C’est à la lumière de dissiper les ténèbres et non aux ténèbres de cacher la lumière. C’est à la vérité de vaincre le mensonge et non au mensonge d’orienter la vérité. Le juste n’a pas donc à fuir ni se compromettre. Il doit dénoncer le mal en faisant le bien. Combattre l’injustice en appliquant la justice. Chasser le mensonge par la vérité.

Devant les injustices de notre société, les souffrances des opprimés, les tourments des oppressés, nous rejetons avec le psalmiste la fuite, l’indifférence et la résignation. Nous nous remettons à la justice divine qui est immuable même si elle peut tarder. Dieu nous regarde, il voit nos cœurs, nos gestes. Aux méchants, il  déversera sa colère, aux justes, il promet sa faveur.

Que la faveur de Dieu soit notre partage au nom de Jésus-Christ. Amen

GUIDEME Gabriel, Pasteur proposant

 

Ajouter un commentaire

Anti-spam