Tu seras Cephas

Jésus change l’identité de ceux qui le suive

2e Dimanche temps ordinaire (15/01/2017)

Prédication      

Texte : Jean 1 : 35-42

« Que cherchez-vous ? » telle est la première parole prononcée par Jésus dans cet évangile de Jean. Cette question nous interpelle encore aujourd’hui au lendemain des fêtes de Noël et de Nouvel An où sincèrement ou par conformisme plusieurs ont revêtu le manteau des disciples de Jésus, c’est-à-dire ceux qui le suivent. Et la question de Jésus est précise et claire : « que cherchez-vous et non qui cherchez-vous ? ». Pour comprendre la portée de cette question qui nous est posée aujourd’hui, il convient de présenter de manière laconique le contexte et le but de ce quatrième évangile.

Jean est le dernier rédacteur des évangiles. Son récit fut mis par écrit entre la fin du premier siècle et le début du second siècle dans un contexte marqué à la fois par des persécutions, l’émergence des hérésies à l’intérieur du christianisme et des doctrines philosophiques diverses. Son évangile semble être rédigé et s’adresser à un public de culture hellénistique. L’explication des termes hébreux en grec, la primeur donnée aux disciples portants des noms grecs (André, Philippe) sont quelques raisons pouvant justifier notre hypothèse. Pour Jean, la mission de Jésus se situe dans le cadre de l’histoire de l’humanité. Il est au commence de l’histoire et existe avant la création. Pour Jean l’histoire n’est pas d’abord l’évolution de l’espèce, mais ce drame où se tissent des liens entre Dieu et les humains. Ces liens d’alliance sont souvent faits de révolte, de doute, de rejet de la part de ceux que Dieu veut rejoindre et aimer. En devant homme, Dieu veut se rendre présent et proche des humains, mais cette parole faite chair est méconnue et rejetée par les siens. Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière. Comme encore aujourd’hui on préfère le mensonge à la vérité ; on applaudit plus les injures que les éloges ; on n’aime plus les ennemis que les amis. Pour Jean dont le but est d’amener ses auditeurs à la foi en Jésus pour leur salut, la foi est une démarche où on fait d’abord l’expérience d’une communauté de vie avec Jésus, et ce n’est qu’au terme qu’on est en mesure de dire comme André : « Nous avons trouvé le Messie ! ». Pour arriver à ce témoignage, émanation de la communion intime et de la connaissance de Jésus, il faut examiner ce que nous révèle la rencontre de Jésus et Pierre. Elle se décline en trois points :

  1. Le témoignage de son frère André

André est l’un des deux disciples de Jean qui a entendu parler de Jésus et qui est allé voir où demeure Jésus. En effet, dans ce contexte il ne s’agit pas d’aller voir le lieu où Jésus réside seulement, mais de découvrir le contenu de l’enseignement de Jésus, puisqu’il est appelé « Rabbi, maître ». Pour Jean demeurer avec Jésus, c’est avoir une communion avec lui, être attaché à lui. Ayant demeuré avec Jésus, André a découvert en lui le messie, le libérateur d’Israël et il ne peut donc s’empêcher d’en parler à son frère. On peut donc se demander pourquoi aujourd’hui peu de chrétiens parlent de Jésus à leur entourage. Est-ce parce qu’eux-mêmes ne le connaissent pas et n’ont jamais été à son école ? Tout porte à croire que c’est le cas ! Car, on ne peut pas connaître Christ, communier avec lui et être égoïste, méchant jusqu’à refuser à son frère de connaître à son tour le libérateur. Et si c’est donc le cas, « que cherchez-vous ici, si ce n’est pas pour connaître Dieu et communier en son amour ? » Certains comme les philosophes cherchent une sagesse de plus, d’autres veulent avoir un titre de notabilité (ancien, conseiller, président de tel groupe, etc.) ; certains sont ici pour se faire voir, d’autres pour passer le temps, avoir de l’argent, des amis, etc. Les disciples de Jean à qui Jésus a posé cette question veulent savoir où demeure Jésus, avoir une communion intime avec lui, se mettre à son école. C’est ce que nous devrons chercher dans la communauté chrétienne et à la suite de Christ.

  1. « Tu es Simon »

Jésus connaît très bien ce que nous sommes avant de le rencontrer, il connait notre identité. Point besoin de le cacher, il nous connait très bien. Tu es un voleur, un menteur, un vampire, un calomniateur, un diviseur, un égoïste, un orgueilleux, un tricheur, un voleur de mari, un coureur de jupon, un hypocrite. Si tu crois te cacher, sache que Christ te connaît correctement et c’est inutile de se cacher. Ton passé n’est important que pour évaluer le changement que ta rencontre avec Christ produit dans ta vie. Et pourtant, pour Pierre son nom Simon signifie « écouter, entendre ». C’est en écoutant attentivement le témoignage de son frère que Simon est venu à la rencontre de Christ. Nous avons donc besoin d’être d’abord des bons Simon dans notre société de bruits et de vacarme pour discerner la voix du maître, du Seigneur des Seigneurs. Notre capacité d’écoute et de discernement est fortement convoquée pour distinguer le vrai témoignage du faux témoignage. Dans notre société de publicité, plusieurs disent nous parler du Christ et chacun se targue d’avoir trouvé le messie ou le vrai messie (voir le nom des églises ou ministère qui prolifère de nos jours). Notez que tout messie qui n’est pas agneau de Dieu qui ôte le péché du monde est un imposteur. Pour Jean la gloire passe par la croix. Mais suffit-il d’écouter ?

  1. Tu seras Cephas

À la rencontre du messie, nous revêtons une nouvelle identité. Cephas signifie roc, fondation. Être Céphas signifie s’engager pour bâtir, construire, édifier, élever. Il s’agit pour nous de dépasser le cadre de l’écoute (ce fut le cas du peuple d’Israël, écoute Israël), pour passer à l’action de fonder, bâtir et élever un édifice solide. Nous ne bâtissons pas sur nous, mais sur le rocher des âges, le Christ, la Parole de Dieu et avec pour ciment l’amour. Jésus veut faire de nous qui sommes réunis dans ce temple à l’écoute de sa parole des « Cephas ». Il faut que nous soyons tous des pierres vivantes pour édifier son corps, l’Église en demeurant attachée à sa parole et vivant dans l’amour et la communion fraternelle. Être donc une Église, c’est non seulement écouter la parole de Dieu, mais la mettre en pratique en vivant dans l’amour. Il ne s’agit pas de s’aimer dans un clan contre un autre, ou de s’ériger en fondateur d’un clan, d’un groupuscule d’amis ou de partisans, mais témoigner Christ par notre obéissance à la parole, notre communion dans la prière, l’amour fraternel. L’Église est donc le lieu où Christ se manifeste comme le messie libérateur des humains du pouvoir du péché et de tous ce qui nous oppose les uns contre les autres. L’Eglise est le lieu de relation, de communion où les membres vivent en symbiose.

En somme, pour nous, comme pour André et Simon, il n’y a pas de rencontre de Jésus sans une écoute continuelle de sa parole, sans une mise en pratique de l’Évangile dans le quotidien de notre vie. Il nous faut sans cesse chercher à rendre Jésus présent au milieu de nous, comme il nous l’a promis (cf Mt 28,20). Cette présence se réalise dans les cœurs qui vivent selon l’Esprit de Jésus : en tous ceux qui aiment (à la manière de Dieu) c’est-à-dire de bonté généreuse, sans exclusion, sans condition, sans calcul, sans égoïsme, sans cupidité. Puisse le Seigneur faire de chacun de nous des pierres vivantes pour bâtir son Église. Amen !

Par GUIDEME Gabriel, Pasteur proposant

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